Corinne et ses peurs. Sophie COHEN. Revue Hypnose et Thérapies Brèves n° 70.



La demande et le contexte
 Corinne est venue une première fois car elle a la phobie de la conduite et ne se déplace en voiture que 2 kilomètres autour de chez elle. Elle qui adorait conduire, conduisait si souvent lorsqu’elle habitait en Haute-Savoie, fenêtres ouvertes, « quel plaisir, me dit-elle, que les épingles à cheveux, la conduite en liberté ! ».

Ce plaisir de prendre le volant, de se sentir libre. Ce plaisir, elle l’a perdu. C’est venu après une dépression. Maintenant elle redoute de prendre la voiture au-delà de ce périmètre si restreint pour aller faire ses courses ou aller à son travail. Elle arrive pour la deuxième séance et s’effondre en larmes, juste après s’être assise. Je lui demande...

 La séance réalisée
 


- Thérapeute : « Que se passe-t-il Corinne ?

- Corinne : J’ai peur. 

- Th. : Vous avez peur ? 

- C. : Oui, j’ai peur. J’ai peur de tout. 

- Th. : De quoi avez-vous le plus peur précisément ? 

- C. : J’ai peur de retrouver ma dépression. 

- Th. : Comment vous sentez-vous en ce moment ? 

- C. : Je me sens angoissée.


- Th. : Où est cette angoisse dans votre corps ? 

- C. :Dans le haut (elle montre sa poitrine). 

- Th. : Que ressentez-vous ? 

- C. : Comme si j’avais un noeud. 

- Th. : Et quoi d’autre ? 

- C. : J’ai souvent envie de pleurer. 

- Th. : Est-ce que vous pleurez ? 

- C. : Non, je me cache. Je pleure un peu seule à la maison. 

- Th. : Votre mari est-il au courant ? 

- C. : Non. 
- Th. : Et pendant le reste de la journée ? 

- C. : Au travail ça va. Il y a une bonne ambiance avec mes collègues. Je n’y pense pas. 

- Th. : Quelles sont les pensées qui entraînent cette angoisse dans la poitrine et produisent comme un noeud et cette envie de pleurer ? 

- C. : C’est quand je pense que je vais encore faire une dépression. J’ai peur et j’ai peur de ces peurs. 

- Th. : Donc si je comprends bien, vous allez bien lorsque vous êtes en compagnie. C’est lorsque vous êtes seule que ces pensées de peur de la dépression vous assaillent, est-ce exact ? 

- C. : Oui, c’est bien ça. 

- Th. : Vous avez peur des pensées autour de la peur de la dépression. Y a-til d’autres peurs en vous ? 

- C. : Oui, j’ai peur de faire un malaise, de ne pas y arriver. 

- Th. : Vous avez peur des pensées autour de la peur de refaire une dépression, peur de faire un malaise et peur de ne pas arriver à quoi ? Y a-t-il d’autres peurs ? 

- C. : Peur de ne pas arriver à faire mon travail, peur de ne pas être intéressante. 

- Th. : D’accord, je comprends. Moi je n’ai pas peur de vos peurs. Seriez-vous d’accord pour les affronter ici avec moi en sécurité ? 

- C. : Oui. 

- Th. : Je vous propose avec l’hypnose de retrouver les peurs, les pensées et les sensations et au lieu de les fuir, de les affronter et de les laisser se développer. Nous verrons bien ce qui va se passer. Etes-vous d’accord ? 

- C. : Oui. 
- Th. : Alors je vous propose de poser vos deux pieds au sol, bien à plat... » Corinne est assise sur un canapé droit, elle a ses deux mains posées sur le haut de ses jambes. 

- Th. : « Regardez vos deux mains avec attention. Puis laissez-les se soulever les deux paumes face à face espacées de 30 à 40 centimètres. Très bien, comme ça. Sentez comme une attirance entre vos deux mains comme si les creux des paumes s’attiraient par une force que vous sentez. Y êtes-vous ? Corinne opine de la tête. 
-
Th. : Très bien. Entre vos deux mains, une force incroyable. C’est la force de la vie. La force de l’attirance. La force de vos savoirs, savoir-faire et savoir-être. Sentez-vous bien tous ces savoirs ? De nouveau Corinne opine de la tête. 

- Th. : Je vous invite à laisser votre attention se porter, comme vous savez le faire, sur vos deux pieds.
Les deux à la fois ou l’un après l’autre, et accueillir les sensations que vous sentez dans vos deux pieds.
La chaleur, la fraîcheur, la lourdeur, la légèreté et toutes les autres sensations qui vous permettent de sentir votre vie vivante maintenant. Corinne le fait. 

- Th. : Je vous invite à sentir la force de l’attraction de la Terre. Vous laissez remonter votre attention... dans les chevilles….

Sophie COHEN

Psychologue, pratique l’hypnose depuis plus de vingt ans. Intervient dans de nombreux instituts ou diplômes universitaires en France et à l’étranger. Directrice de l’iconographie de la revue « Hypnose & Thérapies brèves » et autrice pour les rubriques « Livres en bouche » et « Bonjour et après ».

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N°70 : Août / Septembre / Octobre 2023

Voici le sommaire, présenté par Julien Betbèze, rédacteur en chef :

. Anne Malraux décrit, à travers plusieurs séances de thérapie avec Syriane, comment celle-ci va retrouver des ressources, malgré la force du processus dissociatif. Dans cette histoire le personnage invisible du ''dévalorisateur-squatteur'', pilier de la dissociation, devient visible grâce au questionnement externalisant. Il perd son pouvoir et les ressources relationnelles peuvent émerger pour que Syriane retrouve sa fierté et reprenne des initiatives porteuses de sens.

.Cédric Gueguen nous entraîne à « surfer » sur les vagues de la confiance avec les sportifs de haut niveau. Il nous emmène en Polynésie pour saisir la puissance de la mémoire du corps amplifiée par l’entraînement hypnotique.

. Sophie Tournouër illustre, à travers la situation clinique de Daniel, l’apport de Guy Ausloos à la compréhension de ''l’acting out'' : le passage à l’acte n’est pas la cause du dysfonctionnement familial, mais une de ses conséquences. Elle nous aide à comprendre le lien entre les différentes compréhensions systémiques des passages à l’acte ; elle met en évidence l’importance de la dynamique de bienveillance et d’une approche collaborative pour retrouver les compétences relationnelles entre la maman et son fils. Et c’est par un questionnement orienté solution que l’apaisement pourra advenir.

Dossier : Indispensable hypnose

. Dominique Megglé nous apprend à repérer et à utiliser les 4 modalités de la transe : transe profonde, légère-moyenne, conversationnelle, invisible. A travers différentes situations cliniques, il souligne notamment comment la relation hypnotique permet d’échapper aux fausses exceptions lorsque celles-ci sont décrites comme de simples moments où les symptômes ont moins d’effet sur les sujets. Comme il le dit : l’hypnose est une jeune fille pleine de promesses.

. Gérald Brassine nous montre comment conduire le travail sur les protections dissociatives chez une femme de 40 ans, avec des antécédents d’abus dans l’enfance, envahie par la peur de sortir de chez elle. Il décrit avec précision une séance qui, grâce a un changement de scénario, permet à cette femme de se libérer d’un syndrome de Stockholm et de retrouver la capacité de faire des choix.

. Stéphane Radoykov et Claude Virot nous rappellent l’importance d’intégrer l’hypnose dans les soins psychiatriques pour que les différents dispositifs thérapeutiques puissent« semer les graines du changement ». Il nous paraît indispensable que, pour le public et les soignants, l’hypnose ne soit pas uniquement associée à l’analgésie, mais soit aussi reconnue socialement comme un processus d’activation du changement en thérapie.]

Espace Douleur Douceur

. Gérard Ostermann.
Edito : Quand l’hypnose parle à l’oreille des cigognes

. Michel Dupuet, gynécologue-obstétricien, nous propose une fructueuse illustration clinique de cette thérapeutique incomparable qu’est l’hypnose. Lorsque l’enfant ne paraît pas, tout se bouscule en effet avec son cortège de sentiments négatifs qui s’entretiennent les uns les autres : culpabilité, sentiment d’impuissance, d’injustice, atteinte de l’image de soi et du couple.
. Michel Dupuet a été le premier surpris de ses résultats des plus prometteurs, tout en affirmant avec modestie qu’il est peut-être prématuré de penser que les cas d’infertilité décrits et solutionnés par l’hypnose sont la preuve irréfragable de l’action exclusive de cette technique dans les problèmes de fertilité. Michel Dupuet espère seulement que dans les mois qui viendront ses confrères gynécologues, les centres de PMA intégreront l’hypnose dans leur panel thérapeutique. Malheureusement la crainte vivace dans l’inconscient médical du détournement de clientèle freine encore la collaboration. Pourtant 4 000 stérilités inexpliquées par an ouvre un vaste champ d’action.


. Muriel Launois, ergothérapeute, nous invite à ''Explorer ce qui est bon pour soi''. Dans un monde survolté, où le stress nous fait croire à la performance alors qu’il empêche en fait de goûter la vie, Muriel Launois nous propose d’être attentif à nous-même pour redécouvrir la vraie signification de l’écoute et de la communication avec le réel. Elle nous invite à être dans l’ouvert, sensible à ce qui est. C’est une attitude de vie. Il n’y a rien à atteindre, à obtenir, à devenir. Il s’agit simplement de perdre ses prétentions ; tout est déjà là en amont de notre être en-deçà de nos pensées, soucis et émotions.

Véronique Laplane, médecin pédiatre, nous indique la voie pour ''Ne plus avoir peur chez le pédiatre''. Les enfants sont d’excellents candidats à l’hypnose ! L’hypnose s’appuie sur l’imagination, or chacun sait qu’en la matière les enfants sont rois ! Pour eux, l’imaginaire est réel du moins jusqu’à un certain âge. Ils sont tour à tour dragon, princesse ou chevalier et ont intacte en eux la magie du « comme si »... L’hypnose ne doit pas être vue comme une solution magique, mais comme une méthode complémentaire aux techniques de communication, de réassurance et de préparation mentale.


Rubriques :

. Stefano Colombo et Mohand Chérif Si Ahmed : Quiproquo « Indispensable »
. Adrian Chaboche : Les champs du possible : ''Vous dansez ?''
. Nicolas d’Inca : Culture monde ''Voyage chamanique au son du tambour''
. Sophie Cohen : Bonjour et après ''Corinne et ses peurs''
Livres


Rédigé le 16/07/2024 à 18:34 modifié le 17/07/2024

Vice-Président de France EMDR-IMO ®, Hypnothérapeute à Paris, Chargé d'Enseignement en Hypnose… En savoir plus sur cet auteur

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