« 40 % des utilisateurs de l’homéopathie, relate le Dr Bernard Chemouny dans Le Guide de l’homéopathie, pratiquent l’automédication, soit de leur propre initiative, soit sur les conseils de l’entourage. » Ce chiffre va de pair avec le palmarès de l’Afipa (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable), indiquant que les laboratoires Boiron figurent parmi les dix meilleures entreprises (en termes de chiffres d’affaires réalisés) vendant des médicaments à prescription facultative. « Pour ma part, convient le Dr Serge Rafal, exerçant à l’Hôpital Tenon de Paris et auteur de nombreux ouvrages sur les médecines naturelles, je considère l’homéopathie comme sans danger. Même si on note, parfois, quelques aggravations des symptômes en début de traitement, notamment dans le cas d’affections chroniques. Mais ce type de réactions n’est pas propre à l’homéopathie et existe également en médecine classique. » Néanmoins, une règle absolue est à retenir : ne pas persister au-delà de quelques jours s’il ne se produit pas d’amélioration de l’état de santé, mesure qui vaut d’ailleurs pour toute forme d’automédication.
Phytothérapie : La vigilance s’impose
La pratique de la phytothérapie est plus délicate. Elle reste inoffensive si elle se limite à l’emploi de tisanes, des élixirs floraux ou des Fleurs de Bach. S’il s’agit, en revanche, de spécialités ou de préparations magistrales : extraits, teintures-mères… à base de plantes, la vigilance s’impose. «Les patients considèrent que, puisqu’il s’agit de plantes, il n’y a pas de danger. C’est faux. Même très rare, le risque d’accident n’est pas nul. On a vu, rappelle Serge Rafal, des hépatites médicamenteuses sous Euphytose® et des accidents rénaux avec la germandrée, sans parler des problèmes hépatiques graves avec le kawa (ou kava), motivant son interdiction. Sans monter ces quelques exemples en épingle – ce dont ne se privent pas les détracteurs des médecines douces, comme si, avec les médicaments classiques, on n’enregistrait jamais d’effets secondaires ! –, il faut s’automédiquer avec discernement. » D’autant plus que les plantes sont parfois capables d’interagir avec les traitements classiques. Le cas le plus connu est celui du millepertuis. Outre qu’il occasionne chez certaines personnes des problèmes de photosensibilisation (leur peau réagit de façon outrancière à la lumière), cette plante réduit l’action de la pilule contraceptive et des traitements contre le sida. Il convient donc de faire un usage convenable de la phytothérapie : s’assurer du diagnostic avant d’y avoir recours, ne pas augmenter les doses sous prétexte que cela ne « marche » pas assez vite, prendre ses renseignements aux bonnes sources (lire fiches pratiques p. 32), s’approvisionner auprès de personnes compétentes. Le pharmacien n’est pas, en la matière, le meilleur interlocuteur, rares sont les préparateurs en pharmacie qui ont une connaissance suffisante des plantes médicinales pour être de bon conseil. Internet n’offre pas non plus le meilleur service, qu’il s’agisse des informations fournies, trop imprécises, notamment en matière de précaution d’emploi, ou des produits vendus dont les formulations restent de qualité variable, en ce qui concerne leurs composants et les dosages utilisés.
Un mot de l’aromathérapie, une branche de la phytothérapie qui consiste en l’utilisation thérapeutique d’huiles essentielles de plantes (obtenues par distillation). Le Dr Jean Valnet, qui en a popularisé l’usage, a comparé son action à celle d’une bombe atomique : une efficacité certaine… mais redoutable au-delà de six à dix gouttes par jour. « Elles peuvent être neurotoxiques, prévient Serge Rafal, on évitera donc d’en donner aux nourrissons. Malheureusement, ces précautions d’usage ne sont pas indiquées sur les emballages, ni les notices, quand il y en a. »
Le soja : pas sans risque…
Entre aliments et médicaments, les phyto-œstrogènes du soja, conseillés dans les troubles de la ménopause en alternative au traitement hormonal, sont largement utilisés. Là encore, prudence. On s’interroge très sérieusement sur leur impact négatif dans le cancer du sein. Une alimentation équilibrée, donnant sa place au soja parmi les autres aliments contenant des phyto-œstrogènes (céréales, fruits et légumes, lentilles, graines de lin, germes d’alfalfa), est sans doute préférable aux comprimés et gélules pris sans avis médical. Si, malgré cela, on préfère consommer des compléments alimentaires à base de soja, on veillera à ne pas dépasser la dose de 1 mg par kilo par jour, considérée comme sans risque par l’Afssa (1) (Agence française de sécurité sanitaire des aliments). Dans ses recommandations, l’Agence réclame l’inscription sur les boîtes de la mention « déconseillé aux femmes avec des antécédents de cancer » (2).
Vitamines, minéraux et autres compléments alimentaires
Autre question : celle des vitamines, minéraux et autres compléments alimentaires, qui représentent presque 10 % du marché des produits d’automédication (3). Prenons le magnésium, très utile pour traiter les troubles de spasmophilie, les fatigues d’origine nerveuse ou lutter contre une infection. La forme la plus conseillée, le MgB6, a un effet laxatif aux doses parfois préconisées. Pour bénéficier de l’intérêt de cet oligoélément sans en avoir les inconvénients, il vaut mieux recourir à d’autres formes de sels de magnésium ou d’autres présentations : granules, granions ou gélules. En ce qui concerne les antioxydants : vitamines C, E, sélénium, zinc, glutathion, superoxydismutase, etc., destinés à lutter contre les radicaux libres associés au phénomène de vieillissement et la survenue de certaines pathologies, des doses très importantes sont parfois conseillées, considérant que ce qui fait du bien ne peut pas faire de mal. Pourtant, dans ce cas, le mieux est l’ennemi du bien : trop d’antioxydants génèrent la production de radicaux libres, contre lesquels ils sont censés lutter.
Précieux pour maintenir l’état de santé, prévenir et combattre les maladies, les remèdes des médecines alternatives, même dites douces, ne doivent pas être utilisés à la légère et dans n’importe quelle condition. Comme toute approche médicale, ils nécessitent de bonnes connaissances, faciles à acquérir pour peu qu’on s’en donne la peine. Mais cet exercice doit impérativement être connu du médecin traitant, et faire partie du dialogue avec lui. « J’ai une conception de la médecine, explique le Dr Gérard Pacaud, auteur de nombreux guides sur l’homéopathie, qui consiste à rendre les gens responsables : chacun est capable de s’interroger sur le fonctionnement de son corps, sur ses pathologies… et de s’automédiquer raisonnablement. » Devenir responsable de sa santé reste bien l’enjeu de l’automédication, qu’elle soit conventionnelle ou douce !
(1) Recommandations de l’Afssa sur les compléments alimentaires à base de soja, rendues publiques en mars 2005.
(2) Voir aussi notre hors-série n° 32 : Les compléments alimentaires.
(3) Étude d’Eurostaf : « Les perspectives de l’automédication en France ».
Source : limpatient.wordpress.com