Envie jusqu'à la fin. Véronique LESAGE pour la Revue Hypnose & Thérapies Brèves



ACCOMPAGNER L’HUMAIN

Véronique Lesage, psychologue, pratique une hypnose issue des thérapies humanistes. Elle nous raconte le chemin fait avec Catherine, malade d’un cancer colique. Un accompagnement utilisant l’hypnose afin de répondre au mieux à l’objectif demandé par la patiente : préserver son humanité.


La pratique de l’hypnothérapie s’inscrit dans un relationnel, un accompagnement singulier entre un professionnel et son patient. Je vous propose une illustration de cette dimension à travers l’histoire de Catherine D., atteinte d’un cancer. Elle est maintenant décédée, et ce témoignage est aussi une forme d’hommage qui lui est rendu. Je rencontre Catherine pour la première fois à l’automne 2008. Elle m’est envoyée pour de l’hypnose par une collègue psychologue qui chante avec elle dans la même chorale. Catherine s’effondre tout de suite en larmes dans le fauteuil, les mains agrippées au siège. « Les temps sont durs pour moi », me dit-elle. Il y a un an, au cours d’un contrôle de routine, un cancer du côlon a été détecté. Une partie du foie est également atteinte (elle a été opérée pour cela) et il reste « trois points » sur une côte, dont l’exérèse a été effectuée la semaine précédente. « Je ne veux pas mourir, je n’ai pas fini ce que j’ai à faire1 ». Elle a trois enfants encore adolescents devant lesquels elle ne s’autorise pas à « craquer » : « Je ne peux pas leur faire ça. Et puis je ne veux pas non plus qu’ils s’apitoient ou gémissent, c’est comme si j’étais déjà vaincue. J’ai besoin de croire que je vais m’en sortir. » Professeur d’arts appliqués dans un lycée parisien, elle a une petite cinquantaine d’années. Son mari est très présent dans cette épreuve, tout en étant lui-même en train de perdre sa mère d’un cancer. 

L’HYPNOSE, COMME ACTIVATION DES RESSOURCES

Sa demande est claire : « Je voudrais être plus légère, plus confiante ». Elle croit à l’importance du mental pour l’aider à être pleinement active dans sa maladie et « ne pas faire qu’attendre dans l’angoisse des résultats ». Catherine n’a aucune demande de travailler sur l’étiologie de son cancer. Pour elle, cela relève du bingo : elle a juste sorti le mauvais numéro. D’ailleurs, elle a refusé de voir la psychologue à l’hôpital ou en maison de repos, où cela lui a été proposé après son opération. Elle souhaite que « son moment de thérapie » soit un moment préservé de la maladie ; elle le voit plutôt comme un temps de ressourcement, un endroit où elle vient reprendre des forces. Elle compare ce qu’elle voudrait que la thérapie lui apporte à un séjour dans le lieu où elle passe ses vacances, une petite maison familiale, un endroit de rêve qui lui fait du bien, où il n’y a ni maladie, ni hôpitaux, ni médecins (ni psychologues, ai-je envie de rajouter !). L’hypnose l’aide à entrer dans « l’espace de jeu » où elle n’est pas réductible à sa maladie. Un lieu, un espace-temps préservé. Un « lieu de sauvegarde », un endroit où elle est hors d’atteinte. Elle me confie son désarroi face à la douleur et à la déchéance que lui renvoie la maladie de sa belle-mère. « J’aimerais avoir ma dose de cyanure, au cas où ça deviendrait trop insupportable », me dit-elle à la deuxième séance.


Elle ne me reparlera de suicide qu’une fois, quatre mois avant sa mort. Elle a commencé le yoga. L’hypnose l’intéresse beaucoup comme outil permettant d’accéder à des ressources jusqu’ici inexploitées. Elle a mis en place, sur le conseil d’une amie, et avec beaucoup de bonne volonté, le carnet de ses petits bonheurs : « Je me fixe une chose agréable à faire chaque jour ».

Sa demande me paraissant tout à fait pertinente, je lui propose très vite de l’hypnose, comme un voyage. En tant que chanteuse et pratiquante de yoga, elle sait parfaitement utiliser sa respiration qui, comme je lui dis, « fait le tri entre l’air qui entre et l’air qui sort, ce dont vous avez besoin et ce qui vous encombre ». Nous définissons un endroit qui pourrait être son lieu de sécurité (« la safe place ») : son jardin dans la maison familiale. Il est évident qu’elle est très visuelle (elle peint, dessine et réalise des collages). Je l’emmène dans son jardin, et utilise des métaphores de la nature : planter, se débarrasser des mauvaises herbes, tailler les arbres (« Tous les êtres vivants ont des cicatrices » lui dis-je), reprendre de l’énergie au contact de la nature.

Elle définit son vécu de l’hypnose comme « conscience au-delà de la conscience », un moment très particulier qui lui permet de nourrir cette partie d’elle-même qui recèle des trésors d’énergie que nous convenons d’appeler « son noyau », une partie que le cancer ne peut pas atteindre. Une autre fois, nous allons nous promener dans la forêt aux différentes saisons : les couleurs, les odeurs, les sousbois. Nos séances sont assez « ritualisées ».

Catherine commence toujours par s’effondrer, sanglotant la tête dans les mains. Je suis simplement là pour accueillir, et je sens que l’alliance thérapeutique se tisse dans ses larmes qu’elle ne laisse quasiment jamais couler ailleurs que dans mon cabinet. Elle évoque ce qui est difficile, ses angoisses du moment. Puis, quand elle est prête, d’un commun accord elle s’allonge pour l’hypnose, et se métamorphose littéralement pendant la séance. Elle exprime tout le bien-être qu’elle ressent après.


VÉRONIQUE LESAGE Psychologue clinicienne en libéral, à Fontenay aux Roses (92). Après une formation à l’Institut Français d’Hypnose, elle pratique cette approche notamment auprès de personnes présentant des troubles anxieux, des manifestations psychosomatiques, des douleurs chroniques, ou en situation palliative. 


Pour un changement de type 3. Revue Hypnose & Thérapies Brèves 29
Stéphanie GUILLOU et Dr Franck GARDEN-BRÈCHE
Rencontre de troisième type avec une infirmière en hématooncologie et un algologue urgentiste qui proposent, à partir d’une pratique laissant l’esprit rationnel de côté, une conception nouvelle du changement thérapeutique se situant dans la continuité des travaux de Gregory Bateson menés avec Paul Waztlawick, et basée sur un accueil total de l’émotion naissant de la rencontre.

AMUSANT N'EST-CE PAS ? Dr Thierry SERVILLAT

Une des attitudes fondamentales –peut-être la principale- qu’avait Milton Erickson envers la vie était d’essayer de s’amuser (to have some fun). Y compris dans son travail.

Un thérapeute qui veut s’amuser ? Paradoxe, dirons-nous très vite ! Aider, soigner l’autre est théoriquement un métier… sérieux, ne pensez-vous pas ?

Comment concevoir cela ? La thérapie aurait-elle à voir avec les Muses et la musique ? Oui sûrement, mais le mot « amuser » ne semble, contrairement aux apparences, avoir aucun rapport avec celles-ci.

QUITTER LA CONTRAINTE POUR RETROUVER SES OBLIGATIONS ! Cynthia DRICI

Certaines demandes de thérapies résultent assez fréquemment d’un sentiment de contrainte qui empêche de vivre. Dans une perspective phénoménologique, l’hypnose est là, disponible, pour aider au dégagement qui permettra au patient de pouvoir de nouveau accéder à ses valeurs. Exploration d’un paradoxe qui n’est qu’apparent.  Lorsqu’un individu décide de consulter un spécialiste de l’accompagnement thérapeutique, il décrit bien souvent, lors la première rencontre, une situation dans laquelle il se sent bloqué, figé.

POUR JOUER AVEC LES LIMITES INVERSER LE SENS.J. de MARTINO

Variation sur le « Non !... J’déconne… » utilisé par de nombreux adolescents, le texte de l’intervention de Joël de Martino très remarquée lors des Transversales de Vaison la Romaine en 2008 est publiée en hommage à Franck Farrelly.  DÉFINITIONS Déconner (v. intr.) : dire des bêtises, des inepties, ne pas être sérieux (argot) ; exagérer, divaguer, déraisonner ; plaisanter, s’amuser, faire des bêtises, se laisser aller.

EN VIE JUSQU’À LA FIN, ACCOMPAGNER L’HUMAIN
Véronique LESAGE, psychologue, pratique une hypnose issue des thérapies humanistes.


Elle nous raconte le chemin fait avec Catherine, malade d’un cancer colique. Un accompagnement utilisant l’hypnose afin de répondre au mieux à l’objectif demandé par la patiente : préserver son humanité.  La pratique de l’hypnothérapie s’inscrit dans un relationnel, un accompagnement singulier entre un professionnel et son patient.

INTERACTIONS THÉRAPEUTIQUES ÉCLAIRAGES DÉVELOPPEMENTAUX
I. CAPPONI ; A. RAMBAUD ; J.P. COURTIAL


Dans la continuité de la réflexion systémique, la compréhension de ce qui se passe en hypnose et lors de certaines approches psychothérapiques peut s’enrichir de nombreux travaux en psychologie de l’enfant. Des recherches qui le plus souvent préexistaient à celles du groupe de Palo Alto.

Robert Montaudouin par Bernadette Audrain-Servillat

Originaire de Chartres, Robert Montaudouin a dessiné très tôt. Dans les années 70, poussé par un prof d’anglais il a durant quatre années étudié à l’Ecole des Arts Appliqués et des Métiers d’Art de Paris où il obtient un diplôme en art mural. Il continue son cursus à l’Ecole des Beaux Arts de Paris (atelier de peinture de Gustave Singier)

 Procrastination(s). Dr Thierry SERVILLAT

Professeur de philosophie à Stanford, John Perry, procrastinateur lui-même (si nous le croyons) a écrit, sur un mode humoristique, un manuel qui pourra aider bon nombre de nos patients, et aussi pas mal de thérapeutes. Sur un problème souvent qualifié de « stupide », car semblant tout à fait irrationnel (nous dirons acrasique1 pour faire « branché philo grecque »), l’auteur va écrire un livre brillant, grand succès de librairie témoignant, si besoin était, de la difficulté de nos contemporains à gérer leur temps.

QUIPROQUO, MALENTENDU ET INCOMMUNICABILITÉ
« Trop bien ! » Dr Stefano COLOMBO


Deux mots qui sont déjà trop pour moi. J’avais déjà de la peine avec le bien et le mal, mais là ç’en est trop. Regardons de plus près et commençons par la deuxième partie, le bien. Je peux dire que j’ai du mal avec le bien alors que la langue française a du mal à me laisser dire que j’ai du bien avec le mal.

 CONGRÈS ET CONFÉRENCES. Tentatives, solutions, logiques. Christine GUILLOUX

Compte rendu de Christine GUILLOUX Hors contexte, les mots et les gestes n’ont pas de signification. Gregory BATESON Ordonner le monde ou le désordonner ? Décrire les parties jusqu’à l’infiniment petit ou comprendre les relations, les interactions des parties entre elles, avec les autres, le monde, l’univers ?

Pour une psycho-allergologie. Dr Christian MARTENS

Les médecins s’appuient sur les sciences physiques et biologiques pour expliquer les symptômes. Elles nous permettent d’en déterminer les causes et les conséquences, d’ex-pliquer, c’est-à-dire littéralement de dé-plier les signes dans une série de cause à effet. Mais par souci d’objectivité, celles-ci se refusent à s’interroger sur leur sens, sur les questions relatives au sens de ces signes, à les comprendre. Car comprendre, c’est de l’intérieur, découvrir le sens.


Rédigé le 13/06/2013 à 01:33 modifié le 13/06/2013

Vice-Président de France EMDR-IMO ®, Hypnothérapeute à Paris, Chargé d'Enseignement en Hypnose… En savoir plus sur cet auteur

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