Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à ce sujet, l’hypnose, il n’y avait que très peu de thérapeutes faisant appel à cette pratique. Le plus célèbre était le Dr Léon Chertok, psychiatre dirigeant le service de médecine psychosomatique de l’Elan Retrouvé, auteur du livre L’Hypnose, un des rares livres, alors récent, parlant de ce sujet. En fait, le mot n’évoquait que le music-hall et en général les parasciences pour la plupart des gens.
Ceci dit, cela ne me surprenait pas beaucoup compte tenu de la quasi-absence de références sérieuses sur ce sujet. Au niveau de mes collègues psychologues, l’idée qui prévalait était que l’hypnose était une technique dépassée abandonnée par Freud. J’ai pris connaissance des travaux américains grâce au Dr Chertok qui voulait que dans le cadre du Laboratoire d’hypnose, dont il m’avait confié le poste de chercheur, nous nous alignions sur les travaux des principaux chercheurs américains.
LE RÔLE CONSIDÉRABLE DES ÉCHELLES DE STANFORD
J’ai pu me familiariser avec la technique employée par Hilgard dans son laboratoire à l’Université de Stanford en Californie. A ce propos, notons que sa célébrité au niveau de l’hypnose est aussi largement fondée sur les échelles de Stanford, référence « objective » pour la mesure de la profondeur de l’hypnose. Ces échelles, qu’il a su créer avec André Weitzenhoffer, ont joué un rôle considérable dans le développement d’une approche scientifique de l’hypnose. Ces outils, comme vous le savez, sont toujours demandés par les referees des revues scientifiques afin d’avoir une détermination objective de l’état des patients dans les expériences impliquant l’hypnose.
Quant à la notion d’observateur caché, très controversée, elle s’insère dans une théorie globale de la dissociation psychique entraînant deux appréhensions simultanées distinctes de la même situation : l’une correspondant à la suggestion, l’autre à une perception réelle mais ne pouvant s’exprimer en raison de la mise en place d’une barrière amnésique. Lors de ce séjour aux USA, j’ai pu entrer en relation avec le Pr Martin Orne, célèbre pour ses travaux concernant ce qu’il appelait les « demandes implicites de la situation expérimentale » (« demand characteristics »).
Utilisant des simulateurs, il mit en évidence que si la plupart des conduites du sujet hypnotisé pouvaient être mises en scène par des simulateurs, certaines autres leur échappaient. C’était tout particulièrement le cas pour ce qu’il appelait la « trance logic », c’est-à-dire pour la possibilité de tolérer un manque de logique. Ainsi le sujet véritablement hypnotisé pouvait, en réponse à la suggestion, voir en même temps une même personne devant lui (suggestion) et à côté de lui (réalité). Les simulateurs ne pouvaient adopter cet illogisme. Cette démonstration par le biais des comparaisons entre sujets simulateurs et sujets réellement hypnotisés fut à l’origine de nombreuses expériences destinées à en vérifier le bien-fondé. Parmi les contestataires, citons Theodore Barber, psychiatre à Boston, qui se présentait comme principal détracteur des travaux de Hilgard et de Orne. Les expériences de Barber mettent en évidence l’importance de différentes variables sur les réponses du sujet. Il s’agit principalement des attentes, des attitudes, des motivations...
Barber pensait que l’idée d’une modification de l’état de conscience pendant la situation dite « hypnotique » n’était qu’une illusion. Les conflits entre Barber, Hilgard et Orne, à propos de la notion d’état de conscience, étaient souvent spectaculaires. Ces différents points de vue m’ont particulièrement été utiles car ils permettent de voir à quel point les suggestions peuvent être induites par des approches très différentes, et à quel point il fallait pouvoir différencier les réponses selon leur niveau de volontarité.
UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE DE L’HYPNOSE OUTRE-ATLANTIQUE
Contrairement à ce que j’évoquais précédemment pour la France, aux Etats-Unis l’hypnose avait une véritable reconnaissance en raison particulièrement de son utilisation thérapeutique dans les névroses de guerre. Elle était largement pratiquée par les psychologues et différents métiers médicaux. Une formation brève était donnée dans le cycle des études médicales.
Au niveau thérapeutique, des techniques suggestives classiques ainsi qu’un courant d’hypnoanalyse développé par Lewis Wolberg (1964) étaient les pratiques les plus courantes. Parmi les autres « foyers » où l’hypnose était étudiée, citons au niveau recherche le Pr Jean Lassner, anesthésiste qui s’intéressait activement à l’hypnose et intervenait concrètement comme rédacteur des résumés en français de la revue International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis. On peut citer aussi Raymond de Saussure qui a rédigé avec Chertok un livre consacré à Mesmer (Naissance du psychanalyste : de Mesmer à Freud), et aussi Franklin Rauski qui travaillait sur un thème voisin : Mesmer ou la révolution thérapeutique. Je dois dire que le Dr Chertok savait solliciter et obtenir la participation de divers thérapeutes et de diverses personnalités scientifiques.
Une réunion par semaine permettait ces rencontres fructueuses avec des personnalités intéressées ou même hostiles. De ce fait, et du fait de ces contacts avec les chercheurs américains, nous, l’équipe du laboratoire, étions dans une sorte de cocon nous faisant oublier l’hostilité générale à propos de ce thème. Et je pense que cela, ainsi que ma position de chercheur, m’a beaucoup aidé à aller de l’avant.
RENCONTRE ET COLLABORATION AVEC LE DOCTEUR CHERTOK
C’est au détour de l’Afrique que j’ai rencontré le Dr Chertok. Après avoir effectué une mission comme enseignant dans le cadre de la coopération au Sénégal, en Casamance, pendant laquelle j’avais réalisé plusieurs enquêtes concernant les effets thérapeutiques de différentes techniques de soin traditionnelles – guérisseurs coraniques, guérison par le Ndöp, appel à la sorcellerie –, j’ai proposé à mon retour un article à la revue Psychopathologie africaine portant sur la démarche thérapeutique du Ndöp.
Je proposais d’expliquer ce rituel comme un moyen de mise en hypnose permettant une modification des représentations et de l’attitude du sujet particulièrement dans son rapport à l’esprit possesseur et au groupe. Rencontrant Andras Zempleni, un des principaux chercheurs français participant à cette revue, il me fit observer que le mot hypnose était lui-même problématique, source de controverses sur son existence ou inexistence. Cette observation me donna envie d’en savoir plus sur ce sujet, d’où mon premier contact avec Léon Chertok.
Le hasard faisait qu’il était alors à la recherche d’un psychologue pouvant travailler dans le cadre d’un laboratoire en création. Il en avait rencontré plusieurs mais son choix se porta sur moi, peut-être en raison du cheminement qui m’avait amené vers lui. Nous avons travaillé pendant plus de dix ans ensemble sur les principaux thèmes suivants : - traduction, validation, adaptation des échelles de Stanford, mise au point d’une échelle dite de « Paris » finalisée avec le Pr Jean-Michel Petot ; - étude phénoménologique de l’hypnose, mise en évidence d’une indépendance relative mais réelle entre hypnose (état de conscience) et suggestion ; - étude relative à l’analgésie hypnotique en prenant appui sur la douleur ischémique ; objectivation des relations entre l’attitude par rapport au type de stimulation douloureuse et l’efficacité de l’analgésie. Et en collaboration avec des laboratoires de physiologie : - étude de l’efficacité des suggestions thermiques sur la température centrale du sujet, avec le Pr J. Durand et le Dr J. Raynaud ; - étude des effets de la suggestion hypnotique sur le réflexe nociceptif de flexion, avec le Pr Jean-Claude Willer.
Outre le Dr Chertok, et à partir du moment où j’ai commencé à mettre en place des formations, j’ai progressivement été amené à intégrer de nouvelles approches venant de différents courants. Evidemment les approches développées par Milton Erickson et ses disciples ont joué un rôle déterminant. Je citerai tout particulièrement Hypnotic Realities qui, à travers les réflexions de Milton Erickson et de Ernest et Sheila Rossi, permet d’appréhender de toutes nouvelles manières de pratiquer la suggestion et l’hypnose. D’autres courants comme l’hypnoanalyse développée par Wolberg, les approches cognitives, l’onirisme ou encore les approches stratégiques, m’ont permis de concevoir l’hypnose comme une technique pouvant intervenir dans différentes approches thérapeutiques et ainsi mieux s’adapter au patient et à ses difficultés.
LES ANNÉES CNRS FACE AUX RÉSISTANCES...
Après avoir été intégré comme chercheur au CNRS en 1983, j’y ai travaillé jusqu’en 1989. J’ai pu constater dans ce cadre un manque total d’ouverture à mon sujet de recherches, avec bien sûr tous les préjugés déjà évoqués et pour certains la tentation d’approches « naïves » ne pouvant en rien répondre aux problèmes posés par l’hypnose. Pour n’en donner qu’un exemple : l’un de mes responsables souhaitait pour mesurer l’hypnose que j’installe un poids au bout d’une ficelle elle-même attachée aux épaules d’une personne recevant des suggestions de chute en arrière ; à son avis, la quantité de mouvements fournirait une mesure objective de la suggestibilité de cette personne. Bien sûr ceux qui sont familiers avec l’hypnose savent qu’un tel mouvement qui se répète et dure dans le temps est plus une mesure de résistance qu’une mesure de profondeur de l’hypnose. Face à cette situation, et compte tenu des attitudes pleines d’a priori négatifs de mes collègues chercheurs, j’ai décidé de quitter mon poste au CNRS pour créer une structure me permettant de développer librement mes activités de recherche et d’enseignement. Au début avec Léon Chertok dans le cadre du GEAMH, puis indépendamment de celui-ci dans le cadre de l’IFH.
LES RECHERCHES À L’INSTITUT PAUL SIVADON
J’ai été amené à travailler aussi à l’Institut Paul Sivadon. Initialement, le Laboratoire d’hypnose se trouvait rue du Rocher, dans une antenne de l’Institut psychiatrique La Rochefoucauld - Institut Paul Sivadon. Le Dr Chertok avait été nommé médecin chef de cette antenne et avait obtenu l’aide de l’Institut en ce qui concerne l’accueil d’un laboratoire de recherche portant sur l’hypnose dans une partie de ces locaux. Les salaires étaient liés à des contrats de recherche. Les années passèrent et progressivement la dimension recherche céda le pas à la clinique puis à la formation. Les formations initialement centrées sur l’hypnothérapie prirent comme credo l’idée d’une approche ouverte ne se référant à aucun courant exclusif mais axée sur une approche multifactorielle, intégrative, comme évoqué précédemment. En réponse au développement de l’activité de formation, une unité d’hypnothérapie fut mise en place à l’Institut Paul Sivadon sous la responsabilité du Dr Edouard Collot. Des réunions hebdomadaires ainsi que divers séminaires encadraient l’activité de cette équipe de cinq à huit personnes échangeant sur leur pratique clinique. L’appellation de l’Institut pourrait faire croire que nous recevions des patients psychotiques, cela s’est produit à quelques reprises à la demande des patients et de leurs thérapeutes psychiatres, mais les personnes que nous rencontrions étaient essentiellement des patients névrotiques.
LA FAUSSE IMAGE DE L’HYPNOSE AUPRÈS DU PUBLIC
Le plus difficile pendant ces années était cette obstination du public à ne considérer que les aspects spectaculaires de l’hypnose et à vouloir considérer cet état comme parapsychologique ou comme une résurgence des transes mystico-religieuses, alors même que tout l’intérêt de l’hypnose est de permettre une approche alternative psychologique et physiologique de ces mêmes phénomènes. Par exemple, suite à une interview avec un journaliste semblant comprendre ce que peut être une utilisation psychothérapeutique de l’hypnose, nous avions eu la surprise de trouver son article précédé d’une image effrayante d’une personne immobilisée assise et effondrée avec deux chaînes partant de ses pieds et aboutissant aux yeux de l’hypnotiseur.
Questionné, le journaliste nous dit alors qu’il n’avait pas décidé du choix iconographique. Ainsi l’image bien plus puissante qu’un texte écrit continuait à véhiculer une image qui contredisait ce même texte. Autre exemple, je rencontrais parfois un collègue psychologue dans le train, je lui expliquais en détail en quoi consistait l’hypnose, lui-même chercheur me disait comprendre en quoi l’étude de ce phénomène pourrait présenter un intérêt majeur pour la compréhension du fonctionnement psychologique humain.
Mais la fois suivante, il m’a dit, signe d’un oubli complet des éléments échangés précédemment : « Didier, j’ai pensé à toi, il y avait à la télévision une émission sur la parapsychologie. » Les informations conceptuelles glissaient sans les modifier sur la représentation sociale de l’hypnose. J’ai d’ailleurs à plusieurs reprises évoqué ce problème dans mes publications.
DES « GUÉRISSEURS » DE L’ENFANCE À LA DIMENSION PSYCHOSOMATIQUE DE L’HYPNOSE
Pour revenir à mon parcours personnel, pendant mon enfance et mon adolescence passées dans une petite ville de Normandie, j’ai vécu dans un environnement dans lequel on entendait parler de différents types de personnages auxquels les gens faisaient appel en cas de brûlures (barreurs de feu), d’entorses, etc. Parmi ces « guérisseurs » certains en avaient fait un métier, d’autres exerçaient bénévolement et se présentaient avec une spécialité très précise.
Dans certains cas je connaissais les personnes, ayant eu recours à leurs services, et je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il y avait là la preuve que le corps réagissait à ces situations curieuses pour peu qu’on lui fournisse un protocole supposé actif et un contexte explicatif : la foi en Dieu et ses miracles, le magnétisme et ses effets sur le corps, la sorcellerie, etc. Ce sont ces premiers contacts avec ces techniques traditionnelles qui m’ont incité à m’intéresser à la dimension psychosomatique de l’hypnose. L’intérêt de l’hypnose et de la suggestion étant de nous permettre de ne plus avoir à mettre en place des rituels thérapeutiques fondés sur des croyances mystico-religieuses pour obtenir ces effets suggérés.
Comme beaucoup de mes collègues, ce thème m’a accaparé pendant toute ma vie professionnelle. Dans la thérapie bien sûr, dans le travail de recherche évoqué précédemment, puis dans la formation professionnelle continue. Ce dernier aspect, qui a pris une place de plus en plus importante dans ma vie depuis plus de trente ans, m’a permis de rencontrer des gens passionnés par le sujet mais aussi par son utilisation thérapeutique dans le domaine de la psychothérapie, dans le traitement des douleurs et de divers troubles somatiques. Cela m’a permis aussi de voir à quel point l’hypnose est une pratique enseignable et susceptible d’être utilisée utilement par la plupart des thérapeutes, dans la mesure, bien sûr, où ils l’intègrent à leur approche professionnelle initiale.
AUX ORIGINES DE L’HYPNOSE, AVEC MESMER ET PUYSÉGUR
Je me suis posé la question des origines de l’hypnose. D’où vient cette pratique et que pouvons-nous déduire de cette connaissance ? En ce qui concerne Mesmer, plusieurs ouvrages ont été écrits à ce propos. Ceci dit la pratique de Mesmer, si elle est présentée comme l’origine de l’introduction de pratiques de transe dans le domaine médical, n’a pas grand-chose à voir avec l’hypnose telle que nous l’entendons et la pratiquons aujourd’hui. En revanche, Puységur met en place une pratique différente qu’il appelle le somnambulisme ou « sommeil lucide ». Le choix de ce mot s’explique par analogie au somnambulisme naturel survenant pendant le sommeil et qui se traduit par l’apparition de comportements vigiles pendant que la personne dort.
Puységur choisit cette appellation en mettant l’accent sur l’état de veille dans lequel cette séquence apparaît. Un peu comme lorsqu’aujourd’hui nous parlons parfois de « veille paradoxale » pour parler de l’hypnose. Contrairement à Mesmer, il ne fait de la « crise » qu’une manifestation plutôt pathologique, comme il le dit dans ses Mémoires. En fait, Puységur met en place une relation très particulière axée sur un partage de connaissances entre lui et certains de ces sujets : les « somnambules ». Ces sujets sont perçus par le marquis comme accédant à une connaissance thérapeutique, supérieure, venant d’un accès facilité à des connaissances présentes chez le sujet et liées à la Nature.
Les éléments évoqués par Puységur à propos de ses somnambules ne sont d’ailleurs pas sans préfigurer certaines conceptions ericksoniennes, particulièrement tout ce qui concerne la richesse de l’inconscient (appelé « Nature » par Puységur ?) et la façon dont on peut faire appel à cette richesse à des fins thérapeutiques. En ce qui concerne la question des origines, et ce en quoi ces origines ont pu influer sur la forme et le contenu de ces pratiques, nous avons cru pouvoir constater les liens étroits entre le somnambulisme et divers aspects des conduites convulsionnaires antérieures (convulsionnaires des Cévennes, de Saint-Médard). Il me semble que les ouvrages que j’ai coordonnés autour de la dissociation, ou de la transe, étaient des prolégomènes à une réflexion de fond sur les différents aspects de l’hypnose. Il serait passionnant d’organiser à nouveau une réflexion et des recherches approfondies sur ces thèmes, englobant des modèles cliniques, des recherches psychologiques et neurophysiologiques, et réaliser ainsi différents approfondissements sur l’analgésie hypnotique, les techniques de dissociation, la pragmatique de la communication, etc.
L’HYPNOSE ET LA FORMATION COMME OUTILS PRÉCIEUX POUR L’AVENIR
Pour le futur, compte tenu de mon âge, il m’est difficile d’envisager de nouveaux projets sur lesquels je pourrais m’investir, car en hypnose les recherches sont longues et complexes. Mais à supposer qu’un tel travail me soit possible, j’aimerais mettre au point une mesure de l’hypnose non fondée sur la suggestibilité, j’aimerais aussi contribuer à mieux faire comprendre la nature complexe de l’hypnose. De plus, en cette époque où l’on insiste sur la nécessité de lutter contre la douleur et en même temps sur celle de limiter l’utilisation des produits chimiques, l’hypnose, en raison de ses effets analgésiques largement démontrés, se présente comme un outil précieux. J’aimerais aider au dépassement de certains a priori contre-productifs.
Tels ceux de certains organismes financeurs qui décident de l’attribution des fonds de formation professionnelle et qui, aujourd’hui, refusent de soutenir l’acquisition de cette pratique par les personnels paramédicaux en prétendant que cette pratique relèverait d’un exercice illégal de la médecine. Surprenante allégation fondée sur quelques jugements liés non aux outils utilisés par les rares personnes ayant été condamnées pour ce motif, mais à leur refus du traitement médical de leurs patients.
Remarquons au passage que la situation aurait été la même s’ils avaient prescrit de l’eau et non de l’hypnose à la place du traitement médical. Mais de toute façon, qui a décrété que l’hypnose était un acte médical ? Est-ce que Mesmer réunissant des patients autour d’un baquet faisait vraiment oeuvre de médecin ? Est-ce que Puységur, vrai père fondateur, noble et officier, était médecin ? Non, bien sûr, de même pour l’abbé Faria. Il faudra attendre plus de soixante ans pour trouver un vrai médecin en la personne de James Braid. L’assimilation de l’hypnose à un acte médical semble dater de la fin du XIXe siècle mais sans que véritablement cette assimilation soit justifiée.
En tant que responsable d’un institut de formation, il me semble que la solution n’est pas de permettre ou d’interdire d’une façon brutale la pratique de l’hypnose à tel ou tel corps de métier. Mais d’orienter les formations à cette pratique dans le sens d’un complément des qualifications des thérapeutes dans leur domaine : médecins, psychologues et paramédicaux… Ainsi les patients sont et seront à l’abri d’un usage maladroit de cette pratique. Je pense et j’espère que les études en neurosciences permettront de donner les réponses demandées par les chercheurs désireux de disposer d’outils permettant de différencier les sujets en fonction de leur hypnotisabilité en cours de séance.
Une telle mesure, obtenue en situation, permettrait ensuite un examen beaucoup plus pertinent des différents aspects des caractéristique et comportement du sujet hypnotisable. En espérant qu’un certain nombre des observations faites à l’aide de ces nouveaux outils connaissent le sort des études sur les ondes alpha, qui après une série de résultats faisant apparaître que le lien observé lors de la première séance d’hypnose entre ces ondes et l’hypnotisabilité, s’était finalement révélé essentiellement dû à une variable parasite : le niveau d’anxiété lié à la situation. Les liens disparaissant si les mesures étaient prises lors de sessions ultérieures (J.L. Evans). Lorsque dans les années 1970 j’ai décidé d’accepter le poste de chercheur que me proposait le Dr Chertok, je ne m’imaginais pas les difficultés que pouvait recéler ce domaine de recherches. Les années ont passé, démontrant chaque jour un peu plus l’intérêt de l’hypnose tant pour modifier la perception des stimulations nociceptives, que pour apporter un complément dynamique dans les approches psychothérapeutiques. Ce changement était un des objectifs de mon travail de formateur, il l’était aussi pour l’ensemble de mes collègues formateurs. Loin de constituer une mode, ce qui impliquerait un surgissement rapide, il s’agit d’une progression réelle et durable en raison de la richesse de ses apports communicationnels et de la variété de ses approches thérapeutiques.
Ceci dit, cela ne me surprenait pas beaucoup compte tenu de la quasi-absence de références sérieuses sur ce sujet. Au niveau de mes collègues psychologues, l’idée qui prévalait était que l’hypnose était une technique dépassée abandonnée par Freud. J’ai pris connaissance des travaux américains grâce au Dr Chertok qui voulait que dans le cadre du Laboratoire d’hypnose, dont il m’avait confié le poste de chercheur, nous nous alignions sur les travaux des principaux chercheurs américains.
LE RÔLE CONSIDÉRABLE DES ÉCHELLES DE STANFORD
J’ai pu me familiariser avec la technique employée par Hilgard dans son laboratoire à l’Université de Stanford en Californie. A ce propos, notons que sa célébrité au niveau de l’hypnose est aussi largement fondée sur les échelles de Stanford, référence « objective » pour la mesure de la profondeur de l’hypnose. Ces échelles, qu’il a su créer avec André Weitzenhoffer, ont joué un rôle considérable dans le développement d’une approche scientifique de l’hypnose. Ces outils, comme vous le savez, sont toujours demandés par les referees des revues scientifiques afin d’avoir une détermination objective de l’état des patients dans les expériences impliquant l’hypnose.
Quant à la notion d’observateur caché, très controversée, elle s’insère dans une théorie globale de la dissociation psychique entraînant deux appréhensions simultanées distinctes de la même situation : l’une correspondant à la suggestion, l’autre à une perception réelle mais ne pouvant s’exprimer en raison de la mise en place d’une barrière amnésique. Lors de ce séjour aux USA, j’ai pu entrer en relation avec le Pr Martin Orne, célèbre pour ses travaux concernant ce qu’il appelait les « demandes implicites de la situation expérimentale » (« demand characteristics »).
Utilisant des simulateurs, il mit en évidence que si la plupart des conduites du sujet hypnotisé pouvaient être mises en scène par des simulateurs, certaines autres leur échappaient. C’était tout particulièrement le cas pour ce qu’il appelait la « trance logic », c’est-à-dire pour la possibilité de tolérer un manque de logique. Ainsi le sujet véritablement hypnotisé pouvait, en réponse à la suggestion, voir en même temps une même personne devant lui (suggestion) et à côté de lui (réalité). Les simulateurs ne pouvaient adopter cet illogisme. Cette démonstration par le biais des comparaisons entre sujets simulateurs et sujets réellement hypnotisés fut à l’origine de nombreuses expériences destinées à en vérifier le bien-fondé. Parmi les contestataires, citons Theodore Barber, psychiatre à Boston, qui se présentait comme principal détracteur des travaux de Hilgard et de Orne. Les expériences de Barber mettent en évidence l’importance de différentes variables sur les réponses du sujet. Il s’agit principalement des attentes, des attitudes, des motivations...
Barber pensait que l’idée d’une modification de l’état de conscience pendant la situation dite « hypnotique » n’était qu’une illusion. Les conflits entre Barber, Hilgard et Orne, à propos de la notion d’état de conscience, étaient souvent spectaculaires. Ces différents points de vue m’ont particulièrement été utiles car ils permettent de voir à quel point les suggestions peuvent être induites par des approches très différentes, et à quel point il fallait pouvoir différencier les réponses selon leur niveau de volontarité.
UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE DE L’HYPNOSE OUTRE-ATLANTIQUE
Contrairement à ce que j’évoquais précédemment pour la France, aux Etats-Unis l’hypnose avait une véritable reconnaissance en raison particulièrement de son utilisation thérapeutique dans les névroses de guerre. Elle était largement pratiquée par les psychologues et différents métiers médicaux. Une formation brève était donnée dans le cycle des études médicales.
Au niveau thérapeutique, des techniques suggestives classiques ainsi qu’un courant d’hypnoanalyse développé par Lewis Wolberg (1964) étaient les pratiques les plus courantes. Parmi les autres « foyers » où l’hypnose était étudiée, citons au niveau recherche le Pr Jean Lassner, anesthésiste qui s’intéressait activement à l’hypnose et intervenait concrètement comme rédacteur des résumés en français de la revue International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis. On peut citer aussi Raymond de Saussure qui a rédigé avec Chertok un livre consacré à Mesmer (Naissance du psychanalyste : de Mesmer à Freud), et aussi Franklin Rauski qui travaillait sur un thème voisin : Mesmer ou la révolution thérapeutique. Je dois dire que le Dr Chertok savait solliciter et obtenir la participation de divers thérapeutes et de diverses personnalités scientifiques.
Une réunion par semaine permettait ces rencontres fructueuses avec des personnalités intéressées ou même hostiles. De ce fait, et du fait de ces contacts avec les chercheurs américains, nous, l’équipe du laboratoire, étions dans une sorte de cocon nous faisant oublier l’hostilité générale à propos de ce thème. Et je pense que cela, ainsi que ma position de chercheur, m’a beaucoup aidé à aller de l’avant.
RENCONTRE ET COLLABORATION AVEC LE DOCTEUR CHERTOK
C’est au détour de l’Afrique que j’ai rencontré le Dr Chertok. Après avoir effectué une mission comme enseignant dans le cadre de la coopération au Sénégal, en Casamance, pendant laquelle j’avais réalisé plusieurs enquêtes concernant les effets thérapeutiques de différentes techniques de soin traditionnelles – guérisseurs coraniques, guérison par le Ndöp, appel à la sorcellerie –, j’ai proposé à mon retour un article à la revue Psychopathologie africaine portant sur la démarche thérapeutique du Ndöp.
Je proposais d’expliquer ce rituel comme un moyen de mise en hypnose permettant une modification des représentations et de l’attitude du sujet particulièrement dans son rapport à l’esprit possesseur et au groupe. Rencontrant Andras Zempleni, un des principaux chercheurs français participant à cette revue, il me fit observer que le mot hypnose était lui-même problématique, source de controverses sur son existence ou inexistence. Cette observation me donna envie d’en savoir plus sur ce sujet, d’où mon premier contact avec Léon Chertok.
Le hasard faisait qu’il était alors à la recherche d’un psychologue pouvant travailler dans le cadre d’un laboratoire en création. Il en avait rencontré plusieurs mais son choix se porta sur moi, peut-être en raison du cheminement qui m’avait amené vers lui. Nous avons travaillé pendant plus de dix ans ensemble sur les principaux thèmes suivants : - traduction, validation, adaptation des échelles de Stanford, mise au point d’une échelle dite de « Paris » finalisée avec le Pr Jean-Michel Petot ; - étude phénoménologique de l’hypnose, mise en évidence d’une indépendance relative mais réelle entre hypnose (état de conscience) et suggestion ; - étude relative à l’analgésie hypnotique en prenant appui sur la douleur ischémique ; objectivation des relations entre l’attitude par rapport au type de stimulation douloureuse et l’efficacité de l’analgésie. Et en collaboration avec des laboratoires de physiologie : - étude de l’efficacité des suggestions thermiques sur la température centrale du sujet, avec le Pr J. Durand et le Dr J. Raynaud ; - étude des effets de la suggestion hypnotique sur le réflexe nociceptif de flexion, avec le Pr Jean-Claude Willer.
Outre le Dr Chertok, et à partir du moment où j’ai commencé à mettre en place des formations, j’ai progressivement été amené à intégrer de nouvelles approches venant de différents courants. Evidemment les approches développées par Milton Erickson et ses disciples ont joué un rôle déterminant. Je citerai tout particulièrement Hypnotic Realities qui, à travers les réflexions de Milton Erickson et de Ernest et Sheila Rossi, permet d’appréhender de toutes nouvelles manières de pratiquer la suggestion et l’hypnose. D’autres courants comme l’hypnoanalyse développée par Wolberg, les approches cognitives, l’onirisme ou encore les approches stratégiques, m’ont permis de concevoir l’hypnose comme une technique pouvant intervenir dans différentes approches thérapeutiques et ainsi mieux s’adapter au patient et à ses difficultés.
LES ANNÉES CNRS FACE AUX RÉSISTANCES...
Après avoir été intégré comme chercheur au CNRS en 1983, j’y ai travaillé jusqu’en 1989. J’ai pu constater dans ce cadre un manque total d’ouverture à mon sujet de recherches, avec bien sûr tous les préjugés déjà évoqués et pour certains la tentation d’approches « naïves » ne pouvant en rien répondre aux problèmes posés par l’hypnose. Pour n’en donner qu’un exemple : l’un de mes responsables souhaitait pour mesurer l’hypnose que j’installe un poids au bout d’une ficelle elle-même attachée aux épaules d’une personne recevant des suggestions de chute en arrière ; à son avis, la quantité de mouvements fournirait une mesure objective de la suggestibilité de cette personne. Bien sûr ceux qui sont familiers avec l’hypnose savent qu’un tel mouvement qui se répète et dure dans le temps est plus une mesure de résistance qu’une mesure de profondeur de l’hypnose. Face à cette situation, et compte tenu des attitudes pleines d’a priori négatifs de mes collègues chercheurs, j’ai décidé de quitter mon poste au CNRS pour créer une structure me permettant de développer librement mes activités de recherche et d’enseignement. Au début avec Léon Chertok dans le cadre du GEAMH, puis indépendamment de celui-ci dans le cadre de l’IFH.
LES RECHERCHES À L’INSTITUT PAUL SIVADON
J’ai été amené à travailler aussi à l’Institut Paul Sivadon. Initialement, le Laboratoire d’hypnose se trouvait rue du Rocher, dans une antenne de l’Institut psychiatrique La Rochefoucauld - Institut Paul Sivadon. Le Dr Chertok avait été nommé médecin chef de cette antenne et avait obtenu l’aide de l’Institut en ce qui concerne l’accueil d’un laboratoire de recherche portant sur l’hypnose dans une partie de ces locaux. Les salaires étaient liés à des contrats de recherche. Les années passèrent et progressivement la dimension recherche céda le pas à la clinique puis à la formation. Les formations initialement centrées sur l’hypnothérapie prirent comme credo l’idée d’une approche ouverte ne se référant à aucun courant exclusif mais axée sur une approche multifactorielle, intégrative, comme évoqué précédemment. En réponse au développement de l’activité de formation, une unité d’hypnothérapie fut mise en place à l’Institut Paul Sivadon sous la responsabilité du Dr Edouard Collot. Des réunions hebdomadaires ainsi que divers séminaires encadraient l’activité de cette équipe de cinq à huit personnes échangeant sur leur pratique clinique. L’appellation de l’Institut pourrait faire croire que nous recevions des patients psychotiques, cela s’est produit à quelques reprises à la demande des patients et de leurs thérapeutes psychiatres, mais les personnes que nous rencontrions étaient essentiellement des patients névrotiques.
LA FAUSSE IMAGE DE L’HYPNOSE AUPRÈS DU PUBLIC
Le plus difficile pendant ces années était cette obstination du public à ne considérer que les aspects spectaculaires de l’hypnose et à vouloir considérer cet état comme parapsychologique ou comme une résurgence des transes mystico-religieuses, alors même que tout l’intérêt de l’hypnose est de permettre une approche alternative psychologique et physiologique de ces mêmes phénomènes. Par exemple, suite à une interview avec un journaliste semblant comprendre ce que peut être une utilisation psychothérapeutique de l’hypnose, nous avions eu la surprise de trouver son article précédé d’une image effrayante d’une personne immobilisée assise et effondrée avec deux chaînes partant de ses pieds et aboutissant aux yeux de l’hypnotiseur.
Questionné, le journaliste nous dit alors qu’il n’avait pas décidé du choix iconographique. Ainsi l’image bien plus puissante qu’un texte écrit continuait à véhiculer une image qui contredisait ce même texte. Autre exemple, je rencontrais parfois un collègue psychologue dans le train, je lui expliquais en détail en quoi consistait l’hypnose, lui-même chercheur me disait comprendre en quoi l’étude de ce phénomène pourrait présenter un intérêt majeur pour la compréhension du fonctionnement psychologique humain.
Mais la fois suivante, il m’a dit, signe d’un oubli complet des éléments échangés précédemment : « Didier, j’ai pensé à toi, il y avait à la télévision une émission sur la parapsychologie. » Les informations conceptuelles glissaient sans les modifier sur la représentation sociale de l’hypnose. J’ai d’ailleurs à plusieurs reprises évoqué ce problème dans mes publications.
DES « GUÉRISSEURS » DE L’ENFANCE À LA DIMENSION PSYCHOSOMATIQUE DE L’HYPNOSE
Pour revenir à mon parcours personnel, pendant mon enfance et mon adolescence passées dans une petite ville de Normandie, j’ai vécu dans un environnement dans lequel on entendait parler de différents types de personnages auxquels les gens faisaient appel en cas de brûlures (barreurs de feu), d’entorses, etc. Parmi ces « guérisseurs » certains en avaient fait un métier, d’autres exerçaient bénévolement et se présentaient avec une spécialité très précise.
Dans certains cas je connaissais les personnes, ayant eu recours à leurs services, et je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il y avait là la preuve que le corps réagissait à ces situations curieuses pour peu qu’on lui fournisse un protocole supposé actif et un contexte explicatif : la foi en Dieu et ses miracles, le magnétisme et ses effets sur le corps, la sorcellerie, etc. Ce sont ces premiers contacts avec ces techniques traditionnelles qui m’ont incité à m’intéresser à la dimension psychosomatique de l’hypnose. L’intérêt de l’hypnose et de la suggestion étant de nous permettre de ne plus avoir à mettre en place des rituels thérapeutiques fondés sur des croyances mystico-religieuses pour obtenir ces effets suggérés.
Comme beaucoup de mes collègues, ce thème m’a accaparé pendant toute ma vie professionnelle. Dans la thérapie bien sûr, dans le travail de recherche évoqué précédemment, puis dans la formation professionnelle continue. Ce dernier aspect, qui a pris une place de plus en plus importante dans ma vie depuis plus de trente ans, m’a permis de rencontrer des gens passionnés par le sujet mais aussi par son utilisation thérapeutique dans le domaine de la psychothérapie, dans le traitement des douleurs et de divers troubles somatiques. Cela m’a permis aussi de voir à quel point l’hypnose est une pratique enseignable et susceptible d’être utilisée utilement par la plupart des thérapeutes, dans la mesure, bien sûr, où ils l’intègrent à leur approche professionnelle initiale.
AUX ORIGINES DE L’HYPNOSE, AVEC MESMER ET PUYSÉGUR
Je me suis posé la question des origines de l’hypnose. D’où vient cette pratique et que pouvons-nous déduire de cette connaissance ? En ce qui concerne Mesmer, plusieurs ouvrages ont été écrits à ce propos. Ceci dit la pratique de Mesmer, si elle est présentée comme l’origine de l’introduction de pratiques de transe dans le domaine médical, n’a pas grand-chose à voir avec l’hypnose telle que nous l’entendons et la pratiquons aujourd’hui. En revanche, Puységur met en place une pratique différente qu’il appelle le somnambulisme ou « sommeil lucide ». Le choix de ce mot s’explique par analogie au somnambulisme naturel survenant pendant le sommeil et qui se traduit par l’apparition de comportements vigiles pendant que la personne dort.
Puységur choisit cette appellation en mettant l’accent sur l’état de veille dans lequel cette séquence apparaît. Un peu comme lorsqu’aujourd’hui nous parlons parfois de « veille paradoxale » pour parler de l’hypnose. Contrairement à Mesmer, il ne fait de la « crise » qu’une manifestation plutôt pathologique, comme il le dit dans ses Mémoires. En fait, Puységur met en place une relation très particulière axée sur un partage de connaissances entre lui et certains de ces sujets : les « somnambules ». Ces sujets sont perçus par le marquis comme accédant à une connaissance thérapeutique, supérieure, venant d’un accès facilité à des connaissances présentes chez le sujet et liées à la Nature.
Les éléments évoqués par Puységur à propos de ses somnambules ne sont d’ailleurs pas sans préfigurer certaines conceptions ericksoniennes, particulièrement tout ce qui concerne la richesse de l’inconscient (appelé « Nature » par Puységur ?) et la façon dont on peut faire appel à cette richesse à des fins thérapeutiques. En ce qui concerne la question des origines, et ce en quoi ces origines ont pu influer sur la forme et le contenu de ces pratiques, nous avons cru pouvoir constater les liens étroits entre le somnambulisme et divers aspects des conduites convulsionnaires antérieures (convulsionnaires des Cévennes, de Saint-Médard). Il me semble que les ouvrages que j’ai coordonnés autour de la dissociation, ou de la transe, étaient des prolégomènes à une réflexion de fond sur les différents aspects de l’hypnose. Il serait passionnant d’organiser à nouveau une réflexion et des recherches approfondies sur ces thèmes, englobant des modèles cliniques, des recherches psychologiques et neurophysiologiques, et réaliser ainsi différents approfondissements sur l’analgésie hypnotique, les techniques de dissociation, la pragmatique de la communication, etc.
L’HYPNOSE ET LA FORMATION COMME OUTILS PRÉCIEUX POUR L’AVENIR
Pour le futur, compte tenu de mon âge, il m’est difficile d’envisager de nouveaux projets sur lesquels je pourrais m’investir, car en hypnose les recherches sont longues et complexes. Mais à supposer qu’un tel travail me soit possible, j’aimerais mettre au point une mesure de l’hypnose non fondée sur la suggestibilité, j’aimerais aussi contribuer à mieux faire comprendre la nature complexe de l’hypnose. De plus, en cette époque où l’on insiste sur la nécessité de lutter contre la douleur et en même temps sur celle de limiter l’utilisation des produits chimiques, l’hypnose, en raison de ses effets analgésiques largement démontrés, se présente comme un outil précieux. J’aimerais aider au dépassement de certains a priori contre-productifs.
Tels ceux de certains organismes financeurs qui décident de l’attribution des fonds de formation professionnelle et qui, aujourd’hui, refusent de soutenir l’acquisition de cette pratique par les personnels paramédicaux en prétendant que cette pratique relèverait d’un exercice illégal de la médecine. Surprenante allégation fondée sur quelques jugements liés non aux outils utilisés par les rares personnes ayant été condamnées pour ce motif, mais à leur refus du traitement médical de leurs patients.
Remarquons au passage que la situation aurait été la même s’ils avaient prescrit de l’eau et non de l’hypnose à la place du traitement médical. Mais de toute façon, qui a décrété que l’hypnose était un acte médical ? Est-ce que Mesmer réunissant des patients autour d’un baquet faisait vraiment oeuvre de médecin ? Est-ce que Puységur, vrai père fondateur, noble et officier, était médecin ? Non, bien sûr, de même pour l’abbé Faria. Il faudra attendre plus de soixante ans pour trouver un vrai médecin en la personne de James Braid. L’assimilation de l’hypnose à un acte médical semble dater de la fin du XIXe siècle mais sans que véritablement cette assimilation soit justifiée.
En tant que responsable d’un institut de formation, il me semble que la solution n’est pas de permettre ou d’interdire d’une façon brutale la pratique de l’hypnose à tel ou tel corps de métier. Mais d’orienter les formations à cette pratique dans le sens d’un complément des qualifications des thérapeutes dans leur domaine : médecins, psychologues et paramédicaux… Ainsi les patients sont et seront à l’abri d’un usage maladroit de cette pratique. Je pense et j’espère que les études en neurosciences permettront de donner les réponses demandées par les chercheurs désireux de disposer d’outils permettant de différencier les sujets en fonction de leur hypnotisabilité en cours de séance.
Une telle mesure, obtenue en situation, permettrait ensuite un examen beaucoup plus pertinent des différents aspects des caractéristique et comportement du sujet hypnotisable. En espérant qu’un certain nombre des observations faites à l’aide de ces nouveaux outils connaissent le sort des études sur les ondes alpha, qui après une série de résultats faisant apparaître que le lien observé lors de la première séance d’hypnose entre ces ondes et l’hypnotisabilité, s’était finalement révélé essentiellement dû à une variable parasite : le niveau d’anxiété lié à la situation. Les liens disparaissant si les mesures étaient prises lors de sessions ultérieures (J.L. Evans). Lorsque dans les années 1970 j’ai décidé d’accepter le poste de chercheur que me proposait le Dr Chertok, je ne m’imaginais pas les difficultés que pouvait recéler ce domaine de recherches. Les années ont passé, démontrant chaque jour un peu plus l’intérêt de l’hypnose tant pour modifier la perception des stimulations nociceptives, que pour apporter un complément dynamique dans les approches psychothérapeutiques. Ce changement était un des objectifs de mon travail de formateur, il l’était aussi pour l’ensemble de mes collègues formateurs. Loin de constituer une mode, ce qui impliquerait un surgissement rapide, il s’agit d’une progression réelle et durable en raison de la richesse de ses apports communicationnels et de la variété de ses approches thérapeutiques.
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Dialogue stratégique pour le changement thérapeutique. Gregory LAMBRETTE
« La vie est encore elle-même un thérapeute très efficace. » Karen HORNEY
LIMINAIRES
« Savoir écouter, oser intervenir », telles sont les qualités premières du thérapeute stratégique selon John Weakland, l’une des figures de proue de l’école de Palo Alto
Protections dissociatives. Gérald BRASSINE
ANESTHÉSIANTS POUR L’HYPNOTHÉRAPIE DU TRAUMA. Une bonne compréhension de l’hypnose est centrale pour saisir les mécanismes hypnotiques qui sont à l’oeuvre dans la création des états, tellement douloureux, de stress post-traumatiques (ESPT).
Note Dixième selon François Roustang
« Parler de la liberté n’est qu’une autre manière de parler de l’hypnose ou de la définir », « L’apprentissage de la liberté », intervention au colloque de l’AFEHM, 2007 C’est sur la notion de liberté, et il ne pouvait en être autrement, que nous refermons cette rubrique consacrée à quelques éléments de la pensée de François Roustang.
Entrée dans l’IRM
Dr JUANA PELAEZ PEREZ. Médecin anesthésiste-réanimateur au Centre hospitalier de Tolède en Espagne, formée à l’hypnose médicale à Paris VI. Pour elle, l’hypnose est un complément de travail qui aide les patients à améliorer leur adhésion aux soins médicaux. Et l’utilisation de l’hypnose en complément crée dans l’équipe médicale une atmosphère de travail en harmonie.
Le garde-barrière de l’intestin. Exemple de protocole.Jean-Christophe LE DANVIC
Lorsqu’un patient m’est adressé par un médecin pour des douleurs de dos, il peut bénéficier de quinze séances d’une demi-heure, plus de sept heures de soins. La relation patient/thérapeute peut cependant aller plus loin que les simples techniques de massage ou d’étirement utilisées habituellement en kinésithérapie.
Hypnose et urgences pré-hospitalières.
« Qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu’il craint », disait Montaigne.
FRÉDÉRIC DOLLET Infirmier anesthésiste au Samu 59 à Lille. Titulaire du DU d’Hypnose de la Faculté de Lille.
Éditorial Sophie COHEN et Henri BENSOUSSAN
Pourquoi cette thématique ? En écho au dernier congrès de la Confédération francophone d’Hypnose et de Thérapies brèves (CFHTB) qui s’est tenu à Montpellier en mai dernier, où nous avions alors, Henri Bensoussan et moi-même, animé une table ronde sur ce sujet.
Conscience, placebo et réalité virtuelle Sophie COHEN et Henri BENSOUSSAN
Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°55
Pour débuter notre article, nous vous proposons quelques définitions. Car même s’il est complexe de définir des notions en constante évolution, il nous semble essentiel pour débuter de s’intéresser aux notions suivantes : conscience, placebo, effet placebo, réalité virtuelle.
La réalité virtuelle au bloc opératoire. Des expériences sans suite. Dr Marc GALY
J’ai utilisé les casques de réalité virtuelle en janvier 2017 au bloc opératoire pour des interventions sous anesthésies locales et locorégionales, mineures et relativement courtes (varices). Dans ces expériences, le casque n’a pas répondu aux besoins du patient et n’a pas installé la relation thérapeutique basée sur une présence partagée.
L’alliance hypnose et yoga nidra. Une mise en résonance avec le patient. Dr Gérard VIGNERON.
Gérard Vigneron, médecin, a expérimenté des pratiques complémentaires à l’hypnose. Il nous parle de ses expériences qui, aux frontières du réel, interrogent notamment la notion de conscience locale.
Pas de panique ! Dr Stefano Colombo, Revue Hypnose et Thérapies brèves 55
« Je ne vais pas écrire que je ne mens pas. »
Cette phrase n’a pas été la phrase que Frédéric n’avait pas prononcée lors de la réception que l’entreprise Communication & Clarté SA n’avait pas voulu organiser.
La crêpe, et papa à gauche. Dr Adrian CHABOCHE et Virginie NAVINEL, orthophoniste
Voici un voyage dans les méandres labyrinthiques de la complexité merveilleuse de notre cerveau. Cette situation clinique est proposée par une lectrice de la revue, orthophoniste spécialisée dans la rééducation des adultes. Madame S.
Histoire de l'Hypnose. Didier MICHAUX
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à ce sujet, l’hypnose, il n’y avait que très peu de thérapeutes faisant appel à cette pratique. Le plus célèbre était le Dr Léon Chertok, psychiatre dirigeant le service de médecine psychosomatique de l’Elan Retrouvé, auteur du livre L’Hypnose, un des rares livres, alors récent, parlant de ce sujet. En fait, le mot n’évoquait que le music-hall et en général les parasciences pour la plupart des gens.
Les grands entretiens: Gérard OSTERMANN interviewé par Gérard FITOUSSI
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Hypnose et urgences pré-hospitalières.
« Qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu’il craint », disait Montaigne.
FRÉDÉRIC DOLLET Infirmier anesthésiste au Samu 59 à Lille. Titulaire du DU d’Hypnose de la Faculté de Lille.
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Pourquoi cette thématique ? En écho au dernier congrès de la Confédération francophone d’Hypnose et de Thérapies brèves (CFHTB) qui s’est tenu à Montpellier en mai dernier, où nous avions alors, Henri Bensoussan et moi-même, animé une table ronde sur ce sujet.
Conscience, placebo et réalité virtuelle Sophie COHEN et Henri BENSOUSSAN
Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°55
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J’ai utilisé les casques de réalité virtuelle en janvier 2017 au bloc opératoire pour des interventions sous anesthésies locales et locorégionales, mineures et relativement courtes (varices). Dans ces expériences, le casque n’a pas répondu aux besoins du patient et n’a pas installé la relation thérapeutique basée sur une présence partagée.
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Cette phrase n’a pas été la phrase que Frédéric n’avait pas prononcée lors de la réception que l’entreprise Communication & Clarté SA n’avait pas voulu organiser.
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Histoire de l'Hypnose. Didier MICHAUX
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