Ma formation en hypnose m’a appris que le plus souvent, la souffrance du patient provient du fait que la partie malade est tenue à distance, comme dissociée. Le travail hypnotique consisterait alors à réassocier, à réincorporer la partie coupable, ce qui était tenu à l’écart. Mais comment proposer à une personne atteinte d’un cancer de réassocier la partie malade, cette zone du corps qui joue un bien vilain tour et qui se met à déconner ? La partie malade est devenue maligne, c’est-à-dire nuit et fait du mal. Pour les patients, il ne s’agit pas d’une partie qui souffre mais d’une partie qui fait souffrir.
Dans son livre bouleversant D’autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère aborde ce dilemme cornélien au travers d’un dialogue avec Etienne, l’un des protagonistes du livre. Cet homme a eu un ostéosarcome du péroné à l’adolescence. Lors de la première nuit à l’hôpital, celle qui a suivi le diagnostic, Etienne décrit la chose crûment : il regarde ses deux jambes, et dans la gauche, il y a ça. Lui vient alors l’image d’un rat (puisée dans le roman 1984) qui serait à l’intérieur de lui et qui le dévorerait vivant, en partant du tibia et en remontant dans tout son corps. Cette image est tellement effroyable qu’Etienne voudrait que son cerveau s’éteigne, il voudrait ne plus exister ou disparaître pour lui échapper. Il tombe dans un demi-sommeil agité sous l’effet d’un somnifère, où le rat rôde, mais à l’aube le rat a disparu. A sa place, une idée nette comme une phrase écrite sur le mur lui apparaît : « Les cellules cancéreuses sont autant toi que les cellules saines. Tu es les cellules cancéreuses. Tu ne peux pas détester ton cancer parce que tu ne peux pas te détester toi. » Cette phrase décisive, qui sonne si juste pour lui, est une modification de représentation et relève de l’hypnose. Ce cheminement en une nuit ressemble à s’y méprendre au processus hypnotique : une focalisation (le rat), puis une confusion (le demi-sommeil comateux) suivie d’une modification de la perception et d’une représentation élargie (ton cancer n’est pas un adversaire, il est toi). Bien sûr, il est difficile de faire ce chemin… Surtout en une nuit.
Confronté à tout cela, en quoi consiste alors le travail thérapeutique ? Est-ce à se résigner, de façon à accepter la partie malade, mais sans abdiquer, de façon à la combattre ? Peut-être bien.
Jean-Marc Benhaiem aborde un concept majeur dans L’hypnose ou les portes de la guérison : l’hypnose se travaille sur deux versants. La première façon d’utiliser l’hypnose, la plus connue du grand public, consiste en une forme d’absence à soi. On s’éloigne de la réalité, ce qui est bien utile lorsqu’elle est trop difficile à supporter. On peut par exemple se refugier dans un lieu secure, ou bien se couper simplement de ses afférences sensorielles. La transe hypnotique a ceci de particulier qu’elle peut neutraliser les sensations et les émotions, et certains patients ont bien besoin de s’extraire d’un quotidien trop lourd à supporter. Le second versant, moins connu et moins maîtrisé, serait d’entrer dans la réalité de plain-pied et d’y trouver sa place pleinement, se laissant absorber par ce qui nous arrive ici et maintenant. Ce processus, qui consiste à adhérer à ce qui est, est bien plus complexe mais porte des fruits inouïs : la personne s’installe dans une posture où elle s’accommode de ce qui est de façon dépassionnée et tranquille. L’hypnose en oncologie demande d’user savamment de ces deux pôles tour à tour, en fonction des besoins de la personne malade.
Hypnose, EMDR en Oncologie
Où le patient-capitaine note ses étapes, les changements. Jusqu’à notre prochaine rencontre, je vais vous demander de vous munir d’un petit carnet, que vous devrez garder sur vous en permanence, où que vous soyez. A chaque fois que votre problème commencera à se manifester, vous sortirez immédiatement votre carnet et vous noterez tout ce qui se passe, en suivant scrupuleusement les instructions qui y figurent, dans les moindres détails.
L’auteur présente son travail avec les personnes déprimées et la façon dont il combine des tâches de différentes natures : reprise de contacts sociaux, du mouvement, ouverture aux parfums. Il partage ici le script qu’il utilise souvent dans la phase initiale de son travail avec les personnes déprimées.
Partir au bal ? Pourquoi pas ? L’hypnose, définie par Milton Erickson comme « une relation pleine de vie qui a lieu dans une personne et qui est suscitée par la chaleur d’une autre personne », a toute sa place auprès de la population âgée. En effet, le quotidien de la médecine gériatrique est grevé de polymédication et d’iatrogénie poussant le soignant à chercher des solutions non médicamenteuses mais aussi des solutions plus humaines et moins techniques.
Une Note, c’est ainsi que ce billet sera nommé. Une note, comme une note de musique ; la musique, essentielle à François Roustang, porte les silences et les mesures, les harmonies et les dysharmonies, telle, aime-t-il à citer après d’autres, la « musique des astres ». L’harmonie avant toutes choses. En effet, c’est ici la première note qui ouvre au travail de François Roustang.
Cancérologie, Oncologie : je ne sais pas vraiment quel mot utiliser. Dans Cancer, on entend Hippocrate qui compare la maladie à une bête rampante comme le crabe ou le chancre. Dans Oncologie, on entend quelque chose d’un peu plus neutre, d’un peu moins maléfique, la science des tumeurs. Dans l’un comme dans l’autre, se dessine quelque chose d’innommable qui grossit dans le corps et met la vie en danger de manière indicible.
Lorsque les patients suivis en oncologie parlent du cancer, des traitements et de leurs effets secondaires, ils utilisent souvent les mêmes expressions. Plus que de simples tournures de phrase, elles renseignent l’hypnothérapeute sur les représentations du patient et sur les efforts d’adaptation qu’il déploie pour faire face à l’intrusion du cancer, de ses traitements et de leurs effets indésirables dans sa vie.
Comment vivre avec la vulnérabilité et la fragilité engendrées par l’épreuve du cancer ? Darwin prétendait-il avec raison que les espèces qui survivront ne seront ni les plus fortes ni les plus intelligentes mais celles qui sauront s’adapter ? Le contexte de la maladie oncologique ne correspond-il pas à une situation particulière pour laquelle l’adaptation est nécessaire pour s’assurer la meilleure qualité de vie possible voire la survie ?
Bouleversement des repères, séisme personnel, familial et social, le cancer est une épreuve de vie. Une épreuve qui nous fait percevoir notre vulnérabilité, notre finitude, de plein fouet. Comment pouvons-nous aider, nous, soignants de passage, sur un tel chemin ? Quelle légitimité avons-nous, nous qui sommes souvent naïfs de toute épreuve ? Comment prendre soin de l’autre dans son entier quand nous n’avons appris qu’à ausculter les corps ?
Je vis l’hypnose comme un abandon. Un abandon de moi, un abandon de la maladie, un abandon total. Durant ces quelques minutes précieuses pendant lesquelles je suis dans cet état second, je ressens un véritable relâchement du corps et de l’esprit. Pour ce faire, il faut à mon sens deux composantes essentielles. La première étant bien évidemment d’être réceptif à cette pratique. Ce qui n’est pas forcément évident pour tout le monde.
Avec les chaleurs de l’été, je ne me le fais pas dire deux fois. Je n’ai même pas besoin d’y foncer, je suis déjà à l’entrée de mon marchand de glaces avec toute la patience nécessaire pour supporter avec sérénité la queue qui s’est formée devant son comptoir. Ses glaces sont excellentes, distribuées dans, sur et presqu’autour du cornet. Seule ma langue frémit d’impatience.
Chers lecteurs, certains patients nous exposent à des situations parfois bien singulières. Si votre souvenir vous porte au précédent numéro, « L’odeur de la guérison » vous aura peut-être surpris, dérangé, ou fait rire. Tout à la fois peut-être aussi. Je vous rappelle que vous pouvez interagir entre chaque numéro en adressant à la rédaction ou à l’adresse mail de votre auteur vos remarques, questions, et, surtout, expériences personnelles que nous pourrons publier.
Comment améliorer l’étude de l’hypnose ? Il semble indispensable de développer des recherches qualitatives pour décrire la façon dont les patients vivent la séance d’hypnose. L’entretien d’explicitation pourrait être une aide pour recueillir le vécu subjectif des sujets. L’entretien d’explicitation est éclairant à la fois par ses outils pratiques et par la démarche même qui a guidé son élaboration.
Bonjour Patrick, quel a été ton parcours personnel avant que tu ne t’intéresses à l’hypnose ? Patrick Bellet : Mon intérêt pour l’hypnose remonte à l’âge de 12-13 ans lorsque, par hasard, j’ai découvert dans la revue Planète à la fois l’existence de l’acupuncture et de l’hypnose. Intéressé par les sciences naturelles en général, cette lecture m’orientera vers des études médicales qui elles-mêmes, d’évidence (!), prendront conjointement la forme de l’acupuncture et de l’hypnose.
Yves Gros-Louis, psychologue canadien et Huron-Wendat, nous permet de découvrir le lien entre la sagesse des premiers Indiens d’Amérique et l’approche centrée solution. Chez ce psychologue spécialisé en toxicomanie, la découverte en 1994 de l’approche brève orientée vers les solutions fut un électrochoc. Les rencontres avec ses clients sont devenues très agréables et détendues.
Les 26 et 27 mai dernier, le 11e Colloque de L’AFEHM a eu lieu en Corse. Premier congrès consacré à l’hypnose dans l’Ile de Beauté. Pour cela, Jean-Marc Benhaeim avait choisi des thèmes centraux : la présence, l’expérience, le silence. Nous étions une centaine de soignants de spécialités et d’orientations diverses. Les temps d’échanges furent nombreux.
Associer l’hypnose, kinésithérapie et MEOPA (gaz utilisé pour obtenir une sédation légère, courte et sans perte de conscience) améliore significativement la prise en charge du syndrome douloureux régional complexe de type 1 (SDRC, anciennement algoneurodystrophie) de la main et du poignet.
Lettre ouverte à Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé
Après un avis défavorable de l’ANDPC sur l’enseignement de l’hypnose aux infirmiers et un nouveau dénigrement de l’hypnose médicale dans un article du Quotidien du Médecin du 30 mai dernier, le Dr Frédérique Honoré, présidente de l’Institut Milton Erickson de Biarritz, a écrit une lettre ouverte à Madame Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé.