L'Hypnose est-elle dangereuse ?

La réponse du Dr Philippe AÏM, suite à un article "du pape de la street-hypnose".
Philippe AÏM est médecin psychiatre, hypnothérapeute, psychothérapeute, responsable pédagogique du CHTIP Collège d'Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris, Président de l'Institut Uthyl à Nancy, Membre de la Confédération Francophone d'Hypnose et Thérapies Brèves. Conférencier international. Auteur du livre "Ecouter, Parler: Soigner... Guide de communication et de psychothérapie à l'usage des soignants"



Une réponse à Jean-Emmanuel Combe.
Le leader de "street hypnose" vient de produire un texte dans lequel il cite Erickson. Erickson écrivant que l'hypnose ne comporte pas de danger, dans le sens ou on ne peut faire faire des actes répréhensibles à quelqu'un sous hypnose. 
Conclusion du texte: l'hypnose n'est donc pas dangereuse, c'est Erickson qui le dit, et les éricksoniens ne devraient donc pas nous enquiquiner quand on veut former tout le monde, faire faire de l'hypnose partout, pour tous, dans la rue...

Plutôt que d'invectiver ou d'ignorer ce qui ne me semble pas juste, je me dis qu'il faut aussi informer le public qui "passerait par là" et lirait. Au delà de toute solution "legislative" ou de toute pétition de principe sur la question délicate de la pratique de l'hypnose (par qui, dans quel but), je crois plutôt à l'information et à l'éducation...
J'ai donc posément répondu dans un commentaire sur la page de street hypnose, commentaire que je recopie ici.

"Là, (dans la citation d'Erickson reproduite dans l'article ndlr) il n'est question que des comportements dangereux éventuellement produits par l'hypnose, ce qui pour Erickson, était une réponse à un débat médico-légal, suite à des personnes qui s'étaient défendues au tribunal en disant qu'ils avaient tué ou violenté sous hypnose. Sujet beaucoup rebattu, Bernheim aussi s'était prononcé sur des affaires célèbres etc. De nos jours, ce n'est plus vraiment une question. La responsabilité demeure présente sous hypnose, il y a un relatif consensus.

Mais là, on ne parle pas des dangers qui inquiètent réellement le monde médical actuel, 
certes il y a la manipulation et l'emprise (de façon intéressante, l'article montre que sans hypnose on peut faire faire des choses aux gens, dans certaines conditions, Stanford, Milgram, les manipulateurs...on aurait pu en ajouter d'autres), l'hypnose étant aussi une technique qui améliore la communication, elle ne peut qu'aggraver ce danger là. 
Mais aussi le problème des abréactions et des reviviscences dissociatives (les personnes qui débarquent aux cabinets de thérapie 3 semaines après un spectacle ou une démo de rue...). C'est sur les phénomènes dissociatifs que les inquiétudes sont plus fortes.

Concernant Erickson et la "non dangerosité" affichée de l'hypnose: se prononcer là dessus, et à cette époque, c'était aussi une façon de rassurer son propre milieu (médical) pour pouvoir se justifier et continuer à pratiquer. Voire le texte de l'une des 4 conférences ou il ridiculise ceux qui ont peur de l'hypnose*en tant que technique médicale* et qu'il moque gentiment en les comparant à ceux qui avaient peur de la transfusion et autres techniques innovantes, un peu à la façon d'un "effet semmelweiss" disons. Nous n'en sommes plus vraiment là.

Mais il ne faut pas ignorer qu'Erickson parla longtemps de "medical hypnosis", qu'il avait des mots très durs envers ceux qui la pratiquaient dans d'autres contextes, notamment de spectacle, showmen qu'il n'hésitait pas à qualifier de "Charletons" (je vous laisse traduire, c'est proche du français).
Surtout, ce qu'Erickson rejetait par dessus tout, et très explicitement, c'était une position relationnelle dans laquelle l'hypnotiseur se servait de l'hypnose pour flatter son propre ego...

Erickson avait par ailleurs, comme d'autres apprennent à leurs enfants à changer de trottoir ou à refuser des bonbons, conditionné ses enfants pour qu'ils sortent instantanément de transe à la moindre suggestion d'amnésie...voilà qui peut laisser songeur...

Enfin, même si on imaginait (ce qui est faux) qu'Erickson aurait pensé qu'il n'y avait aucun danger dans l'hypnose ou que tout le monde et n'importe qui pouvait pratiquer, eh bien il aurait alors fait une erreur, et nous pourrions, même en étant éricksoniens, le critiquer sur ce point.
Donc non, l'hypnose étant un outil puissant (par ce qu'elle permet de faire et de révéler chez l'individu) elle ne peut être que dangereuse, non pas "per se", mais si elle est mal utilisée. Un outil puissant est forcément dangereux si mal utilisé.

Au delà de la pratique elle-même, dans la rue etc. dont je fais, évidemment, partie des détracteurs, on pourrait reprocher aussi à cette "démocratisation" de l'hypnose, le fait qu'il est impossible de contrôler l'éthique, les intentions et la pratique de tant de gens, formés parfois sur des temps très courts, à une approche purement techniciste de l'hypnose.

Je rédige ce commentaire sans espérer convaincre qui que ce soit. Simplement, plutôt qu'invectiver ou faire la guerre, je préfère informer et donner ma réaction au "public", si elle pouvait intéresser certains qui passeraient par là et voudraient entendre un autre "son de cloche". Je me permettrai aussi de faire de ce com un statut sur mon mur histoire de n'avoir pas écrit autant pour rien. :-)
Bonne soirée"

Ecouter, Parler: Soigner... Guide de communication et de psychothérapie à l'usage des soignants

Philippe AÏM est médecin psychiatre, hypnothérapeute, psychothérapeute, responsable pédagogique du CHTIP Collège d'Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris, Président de l'Institut Uthyl à Nancy, Membre de la Confédération Francophone d'Hypnose et Thérapies Brèves. Conférencier international. Auteur du livre "Ecouter, Parler: Soigner... Guide de communication et de psychothérapie à l'usage des soignants"


"Une communication thérapeutique menant à une relation de confiance est fondamentale dans toute situation d aide ou de soin, tant physique que psychique. Les messages qui passent sont alors porteurs d espoir, de sécurité et de changement. La relation soignant-soigné, dont on nous parle souvent sans vraiment nous donner de moyens concrets pour y faire face, gagnerait en qualité, en humanité et en confort de travail.
Cet ouvrage fait le pari que des concepts utiles et des outils concrets dans ce domaine peuvent être expliqués de façon pratique et précise. L'état d'esprit et les bases psychologiques nécessaires à leur maniement sont rendus simples et accessibles.
L'auteur s'appuie sur les thérapies « brèves », connues pour avoir développé des outils de communication et de relation comme éléments centraux de leur pratique.
Ce livre s'adresse à tous les soignants (médecins, psychologues, infirmier(e)s, sages-femmes...) et aux professionnels de la relation d aide."


Rédigé le 05/08/2016 à 02:01 modifié le 27/07/2023


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