La maladie a-t-elle un sens ? Avec Willy Barral, Thierry Janssen et Michel Odoul

La maladie est complexe, tout comme l’interaction entre soignant et soigné, explique Thierry Janssen : elle comporte tant de niveaux où cela peut se jouer et se mettre en place, que, pour notre esprit cartésien qui aime bien découper la réalité, identifier les causes et pouvoir les relier à certains effets, le phénomène de la guérison est quelque chose de très inconfortable. Il met en effet en jeu tellement de causes différentes qui agissent sur tellement d’effets différents qu’on est un petit peu perplexe face à cette complexité...



Willy Barral, psychanalyste: Je trouve très intéressant que l’on pose la question de la maladie à travers le sens : cela induit que la maladie serait liée à l’acte de penser, dans le sens où en posant la question ainsi, on est en train d’accomplir un acte de penser. Et l’acte de penser est un acte de vie… Qu’est-ce qui fait que l’on se pose cette question quand la maladie arrive ?

Tout d’abord, c’est lié au corps lui-même qui est une éponge de ressentis. Nous avons des ressentis très tôt. Ce sont nos ressentis qui, à travers le système limbique, informent notre cerveau, nos neurones, des effets de l’environnement sur notre corps, qui est constamment stimulé.

Le système limbique est un sac émotionnel. C’est par le ressenti et les émotions que l’être humain se trouve conditionné à penser : qu’est-ce qui m’arrive ? Quel sens cela peut-il avoir ?

La pensée vient au corps par le ressenti émotionnel lui-même. Les émotions sont vitales, or nous les refoulons. Elles nous sont pourtant indispensables dès le plus jeune âge : par les émotions (ressenti d’injustice, etc.), l’enfant créé l’acte de penser.

Ensuite, dans cette question du sens de la maladie, il y a la volonté de comprendre. Je voudrais insister sur une chose très importante, c’est que l’on ne peut pas tout comprendre. « Comprendre, c’est déjà trop parfois », disait Françoise Dolto.

Que voulez-vous dire par là ?

Je veux dire d’une manière générale que la réponse est en nous. Or, on a tendance à aller chercher cette réponse dans telle ou telle école qui détiendrait La vérité : il ne faut pas fabriquer de nouveaux dogmes.

Toute l’économie du décodage biologique de Ryke Geerd Hamer, par exemple, est une dynamique géniale, mais elle a tendance à tomber dans un système, qui peut faire craindre à l’aggravation.

Le sens, c’est comme la quête du Graal, il nous échappera toujours.

C’est la « quoibilité », un néologisme très intéressant qui nous permet de rester toujours mobile dans la question, cela ouvre l’intelligence. C’est ainsi que l’on avance sur la voie de la guérison.

Il ne faut pas que je reste agrippé à des théories, je dois essayer d’être à l’écoute de mon corps, au plus profond de mon être. Les réponses seront trouvées en moi : nous avons une propension à aller chercher en dehors de soi ce qui est déjà là.

Cette propension à mettre toujours nos conflits à l’extérieur, fait que comme le corps pense, comme le corps ressent, cela fait surface en maladie, car le persécuteur est toujours à l’interne. La plupart de nos maladies sont des « dire du corps » qui ont du mal à se dire.

On peut sortir de cela avec l’aide d’un guide, non d’un maître, car le maître tue le libre-arbitre. Le maître devient lassant, il n’aide pas à penser.


Qu’exprime la maladie ?

La maladie, c’est quelque chose qui veut se dire. Elle a une fonction d’enseignement. Les conflits sont internes et ils font volcan en nous. Pour reprendre cette image : les volcans bouillent, mais en même temps ils projettent une lave qui en elle-même purifie le cœur même de la terre.

La maladie a une fonction vitale, elle n’est pas d’abord à combattre. Les gens ne savent pas ce qu’ils ont en eux, parce qu’ils sont enfermés dans cette culture schizophrénique de la séparation du corps et de l’esprit. C’est « le péché dans le corps ». Or, je n’ai pas un corps, je suis mon corps, disait Nietzsche. L’esprit est déjà dans la cellule.

Il y a une dynamique de la vie de l’esprit, la cellule sent et la cellule informe l’esprit. Et tout ceci est en interaction permanente.

Par où l’information passe-t-elle, ça c’est une autre histoire !

Nous irons mieux quand nous cesserons d’avoir cette culture de schizophrènes.

Les superstitions, les croyances dans les religions, tout ce qui traîne dans l’air comme les bactéries, etc. fait que nous sommes pétris de culture normative, pas d’intelligence. Tout ce qui fabrique la maladie, et la pire qui soit, s’appelle « la normose à haute dose » pour moi !

Les gens meurent de conflits internes qu’ils auto-alimentent, ils sont eux-mêmes leur persécuteur interne. Ils n’écoutent pas leurs désirs, ou bien les confondent avec leurs besoins. La peur crée de la maladie, comme la vanité d’ailleurs !

Pour moi, c’est cela le péché : c’est une erreur de cible, donc une erreur de pensée. On se crée un credo, parce qu’on a perdu foi en notre libre-arbitre, or il est extrêmement précieux le libre-arbitre.


Le transgénérationnel, pour vous, cela soigne aussi ?


Nous sommes tous sujets d’une histoire. Le transgénérationnel est un outil extrêmement précieux pour nous rendre intelligent. Il est libératoire, car il nous aide à prendre de la distance par rapport à notre propre culpabilité. Grâce à un travail sur son histoire transgénérationnelle on passe de la culpabilité à la responsabilité ! Ce n’est pas de votre faute, mais de votre fait, disait très bien Françoise Dolto.

Alors, c’est un concept qui ouvre, mais, une fois encore, à condition de ne pas en faire un système. Il ne faut pas sortir du libre-arbitre. Le transgénérationnel aide à penser : qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? Il y a eu, comme on dit, des cadavres dans le placard, mais une fois qu’on la connaît cette histoire, il faut la désapprendre, se différencier de l’histoire transgénérationelle. On est héritier de son histoire, mais également sujet autonome de désir.

Dans le processus de différenciation se trouve la guérison : il faut se détacher de tous ces fils lilliputiens qui nous ont collé au sol.

La maladie doit rester un processus vital pour nous aider à vivre.

Il nous faut toucher au cœur du sens, pas pour le tuer - trop de sens tue le sens - mais pour ouvrir à une intelligence nouvelle avec lui.

La maladie nous rend le service de guérir une partie de nous-même à laquelle on n’avait pas accès jusque-là. C’est la maladie pour se guérir, pourrait-on dire : une dynamique où le sujet trouve lui-même ses guides pour être accompagné dans la guérison...



Rédigé le 01/09/2010 à 00:11 modifié le 06/09/2010


Lu 5876 fois



Dans la même rubrique :