Malédiction du travail? Alain Gourhant. Revue Santé Intégrative 35

Par Alain GOURHANT - Psychopraticien intégratif

Malédiction du travail ? Il y a de fortes présomptions pour la malédiction, néanmoins il est permis de lui apporter des aménagements et surtout de rêver.



1. Est-ce qu'il y a une malédiction du travail ?
Quand on songe à son étymologie, il y a de quoi être perplexe ; il faut toujours se méfier du pouvoir des mots.… Savez-vous que celle-ci fait référence à un instrument de torture venant du bas latin "tripaliare", signifiant "tourmenter, torturer avec le trepalium", et que le tripalium était une sorte de lance utilisée par les Romains, munie de trois pieux comme un trident, pour fouiller et triturer les entrailles de leurs victimes… Sommes-nous débarrassés de cette torture? Le travail ne continue-t-il pas à nous "fouiller cruellement les entrailles", quand partout on entend actuellement parler du "stress au travail" et sa kyrielle de maux, de maladies et de drames ?
 
2. La malédiction vient de très loin, elle vient du fond des âges : hormis le paradis originel, l’Éden, où il suffisait juste de cueillir les fruits du verger divin, sans aucun effort, et à satiété, hormis à l'origine de l'histoire humaine, quelques tribus de chasseurs-cueilleurs en osmose avec la nature, jouissant au gré du nomadisme de la générosité de la terre, le travail a frappé dur, très tôt, de son "pieu" implacable. Dès que les sédentaires du néolithique inventèrent l'agriculture et commencèrent à travailler les métaux, il y a environ 10 000 ans, la torture des travaux de la terre et de la mine, fait son apparition, pour épuiser une multitude d'esclaves, souvent des prisonniers de guerre, corvéables à merci, jusqu'à ce que maladies et mort s'ensuivent
 
3. De l'Antiquité jusqu'au Moyen-Âge, le mauvais pli est pris, la malédiction bat son plein, la société est divisée en deux ; d'un côté, l'immense majorité des travailleurs que l'on nomme esclaves puis serfs, soumis à la sempiternelle torture exténuante et misérable, de l'autre, les nantis exemptés du travail, car profitant de celui des autres. Il y a les politiques, rois et empereurs, le plus souvent entourés d'une cour adonnée à l'oisiveté et ses divertissements variés, il y a les prêtres qui légitiment cette situation par leurs discours consolateurs sur l'au-delà, il y a les guerriers, qui mènent à intervalle régulier, la guerre, comme une activité sportive, distrayante. Le travail est donc honni par tout le monde, déshonorant, pire qu'une malédiction, c'est une calamité.
 
4. Malgré les multiples révoltes des esclaves et des serfs, malgré la nouvelle vision positive des marchands du 16e siècle, prônant le travail comme une activité intéressante, permettant d'engranger l'argent, malgré la révolution française qui a fait tâche d'huile au 18e siècle, pour réclamer les droits et la dignité de tous les hommes, c'est-à-dire essentiellement des travailleurs, le 19e siècle, avec l'industrialisation de l'économie et l'entassement des prolétaires dans des banlieues putrides, semble continuer "allégrement" la malédiction. Tout cela, parfaitement décrit dans les romans de Dickens ou de Zola, va servir de ferment aux révolutions prolétariennes, où, curieusement le travail salarié devient valorisé comme un moyen d'émancipation et d'accès au bonheur.

5. Cette valorisation nouvelle du travail propre à la modernité, va battre en brèche la vieille malédiction : non seulement le travail permet par sa rétribution, une satisfaction de plus en plus grande des besoins essentiels, mais surtout il apporte un sens primordial à la vie, celui de se rendre utile à la société et d'appartenir à un réseau social. La malédiction devient alors de se retrouver sans travail, au chômage, là où on est le plus vulnérable à tous les maux physiques et psychiques. Et la libération de la femme, plus tard, ne s'y trompera pas, qui exigera comme une priorité, l'accès au monde du travail, à égalité avec l'homme.



Rédigé le 09/12/2013 à 14:56 modifié le 09/12/2013


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