« Une personne envisageant de demander l’aide d’un psy dit souvent qu’elle est mal dans sa peau ou qu’elle se sent malheureuse, remarque le psychanalyste Roger Perron (1). Elle laisse entendre que quelque chose ne va pas, mais qu’elle ne sait pas bien quoi. » D’autres évoquent telle ou telle situation spécifique. « Quand on parle des conflits et des deuils de la vie, il s’agit de difficultés psychologiques liées aux circonstances », précise le Pr Frédéric Rouillon, professeur de psychiatrie à l’université Paris V. Certaines, comme un chagrin d’amour, peuvent faire souffrir. Mais ce n’est pas une maladie comme la dépression, ou le trouble bipolaire où des phases dépressives alternent avec des accès d’exaltation.
« Certains problèmes ont trait à des modes relationnels conflictuels avec des collègues ou le conjoint, des enfants ou un supérieur, des parents ou des amis, détaille le
Pr Rouillon. Une sexualité mal assumée peut susciter des insatisfactions. Des difficultés sont liées à des situations ou des faits extérieurs : souffrance après un deuil, perte de travail, déception sentimentale, échec… D’autres sont définies par ce que l’on pense ou ressent. C’est le manque de confiance en soi. Cela peut être un sentiment de malaise, de mal-être existentiel, d’inconfort, de morosité ou d’insatisfaction. »
Ces difficultés psychologiques peuvent se traduire par une gêne faible et passagère. Il n’y a souvent rien à faire. « On trouve son “autothérapie” soi-même, affirme le Pr Frédéric Rouillon. D’une certaine manière, tout est psychothérapeutique. Si vous allez parler à une femme ou à un homme que vous aimez, c’est psychothérapeutique. L’acquisition d’une voiture qui vous plaît le devient. Une soirée avec de bons amis l’est aussi. Ce terme signifie : aller mieux grâce à une intervention psychologique. Toutes ces actions ont cet effet. »
Dans d’autres cas, ce que l’on tente pour aller mieux ne réussit pas. Le malaise croît. Il handicape. Il peut donner lieu à une souffrance psychique, plus ou moins grande, qui se prolonge. Ces tourments risquent d’aggraver encore la situation au travail, les bonnes relations avec son conjoint, ses enfants ou ses proches. Il devient utile de voir un psychothérapeute pour trouver des solutions au-delà des tentatives déjà effectuées.
Plus rarement, des prises de risques inquiètent vraiment. Des mises en jeu de sa vie ou de celle d’autrui surviennent : tentative de suicide, dépendance à l’alcool ou à une drogue en dépit d’un enjeu vital, violence se traduisant par des passages à l’acte sur un proche… Il
devient crucial d’en parler. Cela relève de l’accueil et du suivi attentif par une équipe de
professionnels formés aux « psychothérapies des périodes de crise »(2) et travaillant en équipe. On trouvera les adresses de ces équipes dans les centres médicopsychologiques.
Les troubles anxieux et dépressifs
Une personne peut développer des troubles anxieux ou dépressifs, termes qui désignent un large spectre de manifestations. « Les troubles dépressifs vont des réactions aux déceptions ou décès jusqu’aux maladies graves », nuance Frédéric Rouillon. Lorsque ces manifestations sont bénignes, on peut être triste quelques jours et ne plus l’être ensuite, sans s’être rendu à la moindre consultation, sans avoir pris le plus petit médicament. Légère et temporaire, la déprime relève des difficultés psychologiques. À l’opposé, la dépression mélancolique est une maladie grave et rare.
De même, l’anxiété peut présenter une large gamme d’expressions, des plus banales aux plus spectaculaires. « L’anxiété est normale, et même utile, chez l’être humain, rappelle-t-il. Elle mobilise nos ressources pour fuir ou faire face. Mais il existe aussi des formes exacerbées d’anxiété, dont l’ampleur ne présente aucune commune mesure avec la situation. » On glisse alors du domaine des réactions courantes à celles qui peuvent suffisamment gêner pour relever de la psychothérapie.
Questions, hésitations et solutions
« Dans ce type de situation, on a souvent tendance à incriminer des causes extérieures, indique Roger Perron. On accuse les temps actuels. Une personne citera les dysfonctionnements ou l’état fâcheux de la société. Une autre présentera ses difficultés et ajoutera : “Mais il n’y a qu’à regarder : tout le monde va mal.” Certains insistent sur “la faute à pas de chance”. D’autres mentionnent, en soupirant, leur femme ou leur mari. Ce sont souvent des faits réels. Mais s’y référer toujours peut empêcher de penser à d’autres aspects de sa vie. » Le thérapeute est tenté de répondre : « Vous avez probablement raison. Cette société ne va pas bien. Mais il est utile de se demander quel effet cela fait à l’intérieur. » Sans pour autant constituer une démarche égoïste, une psychothérapie nécessite un peu de temps, non pour agir mais pour réfléchir au sens et aux raisons de ses actions. «C’est une démarche d’interrogation sur soi à partir de l’expression de ses difficultés, ajoute Roger Perron. Elle ne nie pas l’environnement, mais aide à aborder ses conflits intérieurs. »
« Par ailleurs, rencontrer un psy peut apporter quelque chose quand on tourne en rond, poursuit-il. C’est un professionnel avec qui on peut prendre le temps de parler. » On aura beau avoir beaucoup réfléchi seul, ce n’est pas pareil de le faire avec une tierce personne au cours d’une psychothérapie. « Empêtré dans ses difficultés, sans pouvoir en parler en profondeur à qui que ce soit, le dialogue avec soi-même se développe souvent de façon limitée. On fait alors les demandes et les réponses en conservant les mêmes postulats de départ.Cela revient souvent, insiste-t-il de nouveau, à adopter une posture où les difficultés sont toujours situées à l’extérieur. On incrimine ses parents. On évoque le conjoint qui vous quitte, les difficultés avec les enfants. On dénonce le réchauffement de la planète, la responsabilité du gouvernement ou des multinationales. Tout cela existe. Mais cette attitude peut aussi servir à escamoter, sur le versant intérieur, des questions que l’on devrait se poser à propos de soi. Entamer une psychothérapie peut contribuer à modifier ses postulats de départ. » Il ne s’agit pas de nier les faits, mais de faire la part des choses et de découvrir les origines, moins visibles et moins conscientes, de nos difficultés psychologiques.•
(1) Roger Perron est psychologue, psychanalyste, directeur de recherche au CNRS et auteur de Une psychanalyse, pourquoi ? Interédidions.
(2) Choisir sa psychothérapie – Les écoles, les méthodes, les traitements, Daniel Widlöcher, Michel-Marie Cardine, Alain Braconnier, Bertrand Hanin, éd. Odile Jacob.
Source : limpatient.wordpress.com