Nanotechnologies entre espoir et interrogations











Plus de 400 produits de consommation courante contiennent des nanoparticules. Alors que l’on ne sait pas grand-chose sur leur éventuelle toxicité !




Le nanomètre est au mètre ce que le pamplemousse est à la terre, infiniment petit. Les nanotechnologies se réfèrent à toutes les technologies utilisant des particules de l’ordre du nanomètre, c’est-à-dire 1 milliardième de mètre.

Il existe des nanoparticules d’or, d’oxyde de titane, de noir de carbone (autrement dit les extra mini-poussières de fumée de bougie). Elles se présentent sous différentes formes : nanotubes (de carbone), nanosphères, nanocubes, nanocristaux (encore appelés boîtes quantiques ou « quantum dots »)…



À ces dimensions-là, les propriétés physiques et chimiques de la matière se trouvent modifiées, comme le rappelle le groupe ETC dans son dernier rapport sur les nanotechnologies (1). « De manière générale, plus les matériaux sont petits, plus ils réagissent vite et violemment. Par exemple, le carbone, sous forme de mine de crayon est tendre et malléable, alors que sous forme de nanotubes, il devient beaucoup plus résistant que l’acier. » Le noir de carbone et le dioxyde de titane, classés potentiellement cancérigènes chez l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer, le seront-ils moins ou plus à l’état nano ? On aurait pu penser que le règlement Reach (destiné à évaluer la toxicité des substances chimiques) résoudrait cette question, mais, rappelle l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, « ce règlement n’est limité qu’aux substances produites à plus d’une tonne par fabricant, non cumulable. Par ailleurs, il s’applique aux substances et non aux matériaux ». Or les nanos se trouvent souvent à la frontière entre les deux mondes.





Une toxicité encore méconnue


On ne sait rien de la présence de nanoparticules dans divers produits courants : médicaments, crèmes antirides, shampooings, chaussettes désodorisantes, pneumatiques, raquettes … …de tennis (2)… Pourtant, elles n’ont fait l’objet d’aucune évaluation quant à leur toxicité pour la santé humaine ou celle de l’environnement…

De plus, il n’existe pas de législation adéquate relative à leur étiquetage, ce qui permettrait « au consommateur de choisir en connaissance de cause et d’éviter, en vertu de la plus élémentaire prudence, l’utilisation de produits potentiellement dangereux », souligne le Grappe-asbl (Groupe de réflexion et d’action pour une politique écologique – Association sans but lucratif) (3).




Dès 2003, Greenpeace donnait l’alerte en dénonçant la méconnaissance générale liée à l’absence pure et simple d’études sur le sujet (4). Depuis, plusieurs programmes européens (Nanosafe, Nanoderm, Shape Risk…) ont été initiés pour étudier les dangers de ces particules, leur capacité à franchir la barrière de la peau, les moyens de les détecter…

Ce n’est qu’en janvier 2007 qu’une étude officielle du CNRS a démarré sur la toxicité des nanotubes de carbone. Découverts en 1991, ils entrent aujourd’hui dans la composition de matériaux courants : écrans plats, pneus, pièces de carrosserie (Renault et Peugeot) ou articles de sport (battes de baseball)… Lors du tour de France 2005, Floyd Landis roulait sur le premier vélo équipé d’un cadre aux  nanotubes de carbone.


L’étude du CNRS doit également examiner le devenir de ces matériaux après usage : leur dégradation, la libération des nanoparticules dans l’eau, l’air, les sols… La production annuelle mondiale de nanotubes de carbone (près de 99 tonnes en 2006) justifie sans doute cette attention, celles de noir de carbone (6 millions de tonnes par an, dont 200 000 en France), de dioxyde de titane et d’oxyde de zinc (1 000 à 2 000 tonnes par an) mériteraient également d’être prises en compte.




Des cosmétiques révolutionnaires ?


Si les applications médicales des nanotechnologies restent balbutiantes (lire encadré page suivante), il en va autrement des compléments alimentaires et de la cosmétologie qui contiennent déjà des nanoparticules. Le Grappe, inquiet des possibles conséquences sanitaires, vient de lancer en Belgique une série de débats citoyens sur le sujet. L’Afsset (5) émet des doutes : « Il existe très peu de données publiées sur les expositions par voie cutanée aux nanoréseaux […]). Compte tenu de leur faible diamètre, leur pénétration cutanée pourrait être largement facilitée. Peu de travaux sont disponibles dans la littérature et leurs conclusions apparaissent contradictoires. »


D’autres sources d’exposition sont à craindre : les aliments que nous consommons ! Nanoforum (6), réseau d’information sur les nanotechnologies constitué avec le soutien de la l’Union européenne, rappelle que « les applications des nanotechnologies dans tout le secteur de l’agroalimentaire sont multiples et déjà opérationnelles ». Des films plastiques d’emballage, truffés de nanoparticules de silicate, réduisent les échanges gazeux entre l’aliment emballé et l’extérieur, et protègent du dessèchement, des moisissures, de l’oxydation… Autre secteur, lui, expérimental : les nanoparticules dans les aliments pour leur conférer diverses qualités concernant la composition (avec ou sans sucre), l’apparence (texture plus ou moins onctueuse, couleur, saveur) ou la conservation (par exemple la libération de conservateurs après ouverture de l’emballage).


Mais l’ingestion de telles particules pose question : leur possible traversée de membranes à effet barrière comme le placenta est dangereuse, leur persistance dans l’organisme pourrait être hautement pathogène…




Et l’exposition professionnelle ?


Fera-t-on face à une nouvelle affaire de l’amiante ? Pour certaines associations comme les Grenoblois de Pièces et Main d’œuvre (7), cela ne fait aucun doute. Ils assimilent les nanotechnologies à des « nécrotechnologies », au même titre que le nucléaire ou les biotechnologies. Il faut dire qu’à Grenoble s’est ouvert Minatec, un vaste complexe industriel, premier pôle européen sur les nanotechnologies. Sans aucune concertation avec la population. Sans information. « Minatec consomme à lui seul 15 % de l’électricité de la ville de Grenoble ! » s’indigne l’association. La concentration de l’air en nanoparticules devient en Isère beaucoup plus élevée qu’ailleurs…

Avec quels risques ? L’Afsset rappelle sans ambiguïté que les nanoparticules « peuvent entrer dans l’organisme par trois voies principales : respiratoire, cutanée et digestive ». Des experts du CNRS estiment qu’en 2010, plus de deux millions de salariés y seront exposés.  Or, « aucun masque ne peut les arrêter », alerte le toxicologue Alain Lombard.


Si bon nombre des recherches tiennent encore de la science-fiction, il n’en reste pas moins que nous sommes bel et bien entrés dans l’ère des nanotechnologies, souvent sans le savoir et sans en connaître les conséquences à long terme sur la santé humaine. On s’étonnera décidément toujours d’une politique de développement qui consiste à faire d’abord et voir ensuite !






(1) « Un infiniment petit guide d’introduction aux technologies à l’échelle nanométrique… et à la théorie du big bang », ETC-Group, juin 2005. ETC (Érosion, Technologie et Concentration) Group est un groupe d’action nord-américain qui se consacre à la conservation et au développement durable de la diversité culturelle et écologique et des droits de l’homme.

Site Internet : www.etcgroup.org.

(2) Inventaire des produits nanotechnologiques disponibles sur le marché mondial. Site Internet : www. nanotechproject. org

(en anglais).

(3) Grappe – ASBL, 26, rue Basse-Marcelle, B-5000 Namur.

Tél. : 00 32 81 23 09 69 ; Site Internet : www.grappebelgique.be

(4) Future Technologies,

Today’s Choices : Nanotechnology, Artificial Intelligence and Robotics. A technical, political and institutional map of emerging technologies. Rapport de Greenpeace, juillet 2003 (en anglais).

(5) Les Nanomatériaux.  Effets sur la santé de l’homme et sur l’environnement, rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset), juillet 2006. Téléchargeable à l’adresse suivante : http://www. afsset.fr/index.php?pageid=707&parentid=424

(6) Nanotechnology in agriculture and food, rapport de Nanoforum, mai 2006. Il s’agit d’un réseau européen qui a pour objectif d’informer et de mettre en relation les experts en nanotechnologies.

Site Internet : www.nanoforum.org.

(7) PMO (pièces et main d’œuvre), site Internet : http://pmo.erreur404.org.




Source : limpatient.wordpress.com



Rédigé le 22/05/2008 à 14:23 modifié le 16/07/2009


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