Médecines Douces

Hypnose spirituelle: on considère que c'est dérogatoire à l'exercice de la profession de psychologue.

 Tabernacle
Lundi 28 Octobre

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En France je ne sais pas, mais voilà ce qu'on en dit au Quebec chez nous et notamment, Béatrice Vandevelde, psychologue et responsable des activités réservées à l'Ordre –

L’hypnose spirituelle de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies : considérations déontologiques et légales


Cette chronique vise l’hypnose spirituelle seulement et non pas l’hypnose telle que généralement pratiquée par les psychologues, laquelle est, comme le démontre le dossier thématique de ce numéro, basée sur la science et les données probantes.


Le secteur de la pratique illégale de l’Ordre reçoit régulièrement des signalements concernant des hypnothérapeutes. Dernièrement, l’Ordre a été sollicité précisément au sujet de l’hypnose spirituelle. Cette pratique semble en émergence au Québec et mérite donc une attention particulière.
Il s’agit pour l’Ordre de déterminer si elle rencontre les critères de la définition légale de la psychothérapie édictée par le Code des professions, afin de statuer sur le droit d’exercice relativement à cette pratique. Si l’hypnose spirituelle constituait une forme de psychothérapie, seuls les médecins, les psychologues et les détenteurs de permis de psychothérapeute pourraient alors la pratiquer au Québec.
Toutefois, précisons : conclure qu’une pratique relève de la psychothérapie est une chose ; conclure qu’elle rencontre les standards de bonne pratique, c’est-à-dire une pratique fondée sur des preuves, en est une autre. Il apparaît donc nécessaire de vérifier également si l’hypnose spirituelle s’appuie sur des méthodes d’intervention validées scientifiquement, puisqu’une pratique qui ne serait pas soutenue sur le plan empirique ou scientifique ne pourrait pas être exercée par les psychologues, compte tenu des exigences qu’ils doivent rencontrer sur les plans éthique et déontologique.
La présente chronique a donc pour objectif de présenter la position de l’Ordre sur l’hypnose spirituelle en déterminant :
• si elle peut être exercée par des psychologues, considérant les obligations déontologiques de la profession ;
• si elle peut être légalement exercée par des hypnothérapeutes ou hypnologues non détenteurs d’un permis de psychothérapeute, considérant la réserve de l’exercice de la psychothérapie.
Mais avant toute chose, commençons par définir l’hypnose spirituelle.
L’hypnose spirituelle : définition
L’hypnose spirituelle n’a pas pour l’heure de définition officielle. Aussi, pour comprendre en quoi consiste cette pratique, l’Ordre a rencontré des directions d’écoles d’hypnose spirituelle et des praticiens1, consulté des sites Internet et pris connaissance de plusieurs livres2 détaillant cette pratique. Un premier constat : l’appellation même de cette pratique ne fait pas consensus. Certains la nomment hypnose spirituelle, d’autres hypnose de régression dans les vies antérieures ou encore hypnose spirituelle de régression. On trouve également parfois des références plus métaphysiques associées à la spiritualité, par exemple dans les appellations hypnose quantique spirituelle, hypnose régressive quantique spirituelle ou encore hypnose de soin quantique. Malgré ces différentes appellations, il existe un point commun, qui réside dans le fait que les praticiens offrent des séances d’hypnose de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies; l’entre-vies (ou vie entre les vies, entre-deux-vies ou inter-vie) désignant l’espace où l’âme se retrouve à la fin d’une vie, avant son incarnation dans la vie suivante. La différence entre les qualificatifs spirituelle et quantique tient au fait que certaines vies antérieures pourraient être extraterrestres, voire dans d’autres dimensions – ce qu’impliquerait le terme quantique.
Ainsi, quelle que soit son appellation, l’hypnose spirituelle3 peut se définir comme une forme de thérapie qui utilise l’hypnose pour aider les personnes qui consultent à se souvenir de leurs vies antérieures et à les explorer, ou à accéder à l’entre-vies pour entrer en contact avec leurs Guides spirituels. Ces derniers seraient des Êtres (ou encore Entités) qui participeraient à la définition de la Mission de vie de la personne entre chacune des incarnations ; la Mission de vie (ou Contrat d’âme) étant les objectifs de vie que chaque âme planifierait dans l’entre-vies à l’aide de ses Guides spirituels.
Les praticiens en hypnose spirituelle spécifient que cette pratique s’adresse aux personnes qui vivent un problème récurrent dans leur vie (complexe, blocage, exclusion, bannissement, rejet de groupes…), qui se sentent coincées dans des schémas répétitifs qui les empêchent d’avancer, ou encore qui vivent des peurs inexplicables qui entravent leur épanouissement. Certains précisent que cette pratique serait particulièrement appropriée pour résoudre des problématiques physiques, psychologiques ou psychosomatiques qui ne trouvent pas d’issue avec les thérapies dites classiques, alors que d’autres soulignent qu’elle permet de faire un travail similaire à celui d’une psychanalyse, mais beaucoup plus rapidement.
Concrètement, cette pratique qui allie des paradigmes thérapeutiques aux croyances spirituelles sur la réincarnation et l’évolution de l’âme est proposée pour accompagner les personnes vers la compréhension et la résolution des problèmes ou des défis actuels qui seraient liés à des expériences dans les vies passées. Les praticiens en hypnose spirituelle soutiennent en effet que les expériences vécues dans une autre vie exerceraient une influence sur la vie actuelle de chacun en agissant directement sur les croyances, les peurs, les relations et les comportements. Ainsi, au cours d’une séance d’hypnose spirituelle, le praticien guide la personne en état d’hypnose dans l’exploration de ses souvenirs de vies passées, puis l’engage dans une démarche d’analyse de la problématique actuelle en élaborant des liens avec les événements vécus dans les vies passées. Par cette démarche, que certains nomment travail de compréhension et d’intégration, le praticien amène la personne à prendre conscience de l’influence de ses vies antérieures sur sa vie présente. La finalité assumée de ces séances d’hypnose de régression dans les vies antérieures est d’amener chez la personne une transformation en la libérant des blocages, des patterns et en guérissant ses blessures.
De plus, les expériences hypnotiques dans l’entre-vies permettraient à la personne d’avoir accès à ses Guides spirituels et ainsi de découvrir son Contrat d’âme et ses Missions de vie, ce qui l’aiderait par exemple à comprendre les raisons pour lesquelles elle peut vivre certaines des épreuves ou situations difficiles de sa vie présente. La régression dans l’entre-vies permettrait également à la personne qui consulte de rencontrer sa Famille d’âmes, c’est-à-dire les âmes auxquelles elle est liée et avec lesquelles elle se réincarnerait de vie en vie, ces âmes ayant pour mission de se faire évoluer mutuellement. Ainsi, une âme qui était la mère d’une personne dans une vie pourrait être son mari dans une autre et son fils dans une troisième. Savoir quelle âme est incarnée dans une personne de l’entourage de celle qui consulte permettrait de résoudre des conflits ou des enjeux interpersonnels en comprenant le rôle et la Mission de vie de chacun.
Considérations empiriques et scientifiques
D’entrée de jeu, il est important de considérer que l’hypnose spirituelle telle que décrite ici n’est pas reconnue par la communauté scientifique ni ne fait l’objet de recherches empiriques.
Dans la littérature scientifique, il existe un modèle référant à la spiritualité et à l’hypnose, la Clinical Spiritual-Hypnosis Assisted Therapy, qui a fait l’objet de quelques études documentées (Lesmana et al., 2009 ; 2010 ; 2022). Toutefois, ce traitement particulier de la culture balinaise ne propose pas de régresser dans des vies antérieures ni dans l’entre-vies, mais plutôt dans l’enfance de la personne qui consulte. L’appellation spirituelle tient au fait que ce traitement, qui combine l’hypnose et des éléments inspirés de psychanalyse, de thérapie cognitivo-comportementale et de thérapie humaniste, inclut également du counselling religieux. À cet égard, bien que le principe de la réincarnation fasse partie intégrante de la religion balinaise, il n’est pas non plus question avec ce traitement d’entrer en contact avec les âmes antérieures de l’individu ou celles d’autres personnes. Les quelques études portant sur ce traitement particulier, par ailleurs circonscrit à une culture donnée, ne peuvent donc nous servir de référence pour déterminer si l’hypnose spirituelle telle qu’elle est pratiquée en Occident repose sur des bases scientifiques et professionnelles. Par ailleurs, une étude récente (De Benedittis, 2020) s’est intéressée à un processus hypnotique de type quantique ; mais il convient de spécifier que, mis à part la référence au terme quantique et au concept de multitemporalité, ce modèle ne présente aucun lien avec l’hypnose de soin quantique, et qu’il n’est pas question de pratiques de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies telles que décrites précédemment. Nous ne pouvons donc pas non plus nous appuyer sur cette étude, par ailleurs largement spéculative et controversée, pour documenter scientifiquement les données concernant l’hypnose spirituelle. Conséquemment, nous ne disposons à ce jour d’aucune publication théorique révisée par les pairs ni d’aucune étude ou recherche relativement à l’efficacité de l’hypnose de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies.
Malgré cela, certains praticiens soutiennent que l’hypnose spirituelle repose sur des fondements scientifiques, précisant que la preuve scientifique des vies antérieures ne serait plus à faire. En effet, plusieurs praticiens en hypnose spirituelle tentent de démontrer l’existence de vies antérieures en s’appuyant sur des témoignages d’expériences de mort imminente, de vécus subjectifs de contacts avec les défunts (VSCD), qui seraient des contacts spontanés et directs apparemment initiés par les défunts, et de cas de réincarnation chez les enfants en bas âge. De plus, outre les témoignages issus de leur vécu personnel ou de leur pratique, ils s’appuient essentiellement sur les travaux du Dr lan Stevenson pour soutenir leur thèse. Effectivement, l’ensemble de preuves le plus souvent cité en faveur de la réincarnation provient du recueil de cas de ce psychiatre américain, qui a notamment publié dans le Journal of American Medical Association4. Ses travaux, pour la plupart parus dans les années 1970, soit bien avant l’émergence du système de révision par les pairs avant publication et de la science basée sur les données probantes5, ont fait l’objet de sérieuses critiques. D’abord, la formulation des hypothèses est faite de telle façon que celles-ci ne peuvent être vérifiées de façon empirique, car elles ne sont pas organisées de manière à être réfutables. Elles ne rencontrent donc pas un critère essentiel qui permet de distinguer science et pseudoscience. Par ailleurs, les théories de Stevenson n’ont aucune valeur prédictive, et des failles méthodologiques rédhibitoires ont été relevées, soit :
• des biais de confirmation;
• le fait que les questions posées induisent les participants à donner les informations recherchées;
• l’intégrité douteuse de certains interprètes (Andrade, 2017).
Il appert donc que les régressions dans les vies antérieures et dans l’entre-vies sont plutôt de l’ordre des croyances, en l’absence d’évaluations méthodologiques solides et de données empiriques valides.
Cela étant, un psychologue pourrait-il recourir à l’hypnose spirituelle avec les personnes qui le consultent?
Considérations déontologiques
Pour répondre à cette question, nous retenons l’article 5 du Code de déontologie des psychologues6, qui stipule que :
« Le psychologue exerce sa profession selon des principes scientifiques et professionnels généralement reconnus et de façon conforme aux règles de l’art en psychologie. »
Or, en ce qui a trait à l’hypnose spirituelle telle qu’elle est pratiquée en Occident, nous venons de souligner qu’on ne dispose pas de modèles théoriques cohérents révisés par les pairs ni d’études ou de recherches, notamment quant à son efficacité. De plus, cette pratique ne repose pas sur « des principes scientifiques et professionnels généralement reconnus », mais pour une large part sur des croyances personnelles plutôt que sur des données probantes, et elle n’est pas conforme « aux règles de l’art en psychologie ». Certes, à titre de psychologue, il y a lieu de respecter et de prendre en considération d’éventuelles croyances auxquelles adhèrent les clients, mais cela ne signifie pas de fonder sa pratique sur de telles croyances ou de les intégrer dans sa pratique au détriment des connaissances scientifiques et professionnelles dont on dispose.
Pour ce motif notamment, en l’état actuel des connaissances scientifiques, l’Ordre considère comme dérogatoire le recours par les psychologues à l’hypnose spirituelle.
Comme souligné précédemment, l’hypnose spirituelle serait une pratique en émergence au Québec, et un nombre croissant d’hypnothérapeutes offriraient ce service à la population. Il apparaît donc nécessaire que l’Ordre détermine si la pratique de l’hypnose spirituelle constitue de la psychothérapie au sens de la loi et si elle est conséquemment une activité réservée en vertu du Code des professions.
L’hypnose spirituelle constitue-t-elle de la psychothérapie au sens de la loi?
Comme nous venons de le démontrer, l’hypnose spirituelle est une pratique qui n’est pas soutenue sur le plan scientifique ou professionnel, qui ne s’inscrit pas non plus dans les règles de l’art de la profession de psychologue et qui, de ce fait, ne répond pas aux exigences déontologiques des psychologues. Toutefois, ce constat n’exclut pas qu’il puisse s’agir tout de même de psychothérapie. En effet, une pratique peut constituer de la psychothérapie au sens de la loi sans nécessairement rencontrer les standards d’une pratique fondée sur des données probantes.
Pour déterminer si une intervention constitue ou non de la psychothérapie, il faut voir si elle répond aux critères de la définition légale de la psychothérapie. Au Québec, elle est définie par l’article 187.1 du Code des professions7, qui stipule que la psychothérapie est :
« Un traitement psychologique pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souffrance ou une détresse psychologique qui a pour but de favoriser chez le client des changements significatifs dans son fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental, dans son système interpersonnel, dans sa personnalité ou dans son état de santé. Ce traitement va au-delà d’une aide visant à faire face aux difficultés courantes ou d’un rapport de conseils ou de soutien. »

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