Les mondes relationnels.
En Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR), les liens humains se créent à partir d’interactions qui engagent la dimension affective. Leur première forme est perceptive, elle relève du sensible et mobilise les processus attentionnels. En retour se produit une internalisation non consciente de ses effets relationnels en lien avec ces interactions. Ces effets sont du registre de l’intention et de l’action. L’objectivation des liens en actes observables donne forme aux relations qui elles-mêmes, lorsqu’elles se stabilisent, donnent forme à ce que nous appelons un monde relationnel. Nous sommes donc passé des liens (implicites) aux relations (explicites). Le monde relationnel est une forme vivante et qui répond aux lois de l’homéostasie d’un système vivant : ajustement, transformation, effondrement, mort, rigidification, etc. Dans notre développement comme être singulier, la présence de notre monde relationnel s’invite à chaque phase de transition et de cycle de vie. Un monde relationnel se crée à l’interface de notre singularité (ce que la personne que je suis sait), de notre collectif intime (qui construit notre monde affectif et intime), de notre collectif sociétal (qui contient aussi bien notre système organisationnel que notre langue et notre culture) et de l’universel (spirituel et symbolique).
Nos capacités de mise en forme des relations, que ce soit avec notre environnement, les autres en tant que figures d’attachement, à nousmême et à nos propres représentations, participent à la construction d’un monde relationnel. Le monde relationnel est donc influencé par le con - texte familial, sociétal, culturel, spirituel dans lequel nous venons au monde. Ce monde relationnel organise notre manière d’appréhender le monde. C’est un système relationnel et interactionnel complexe, vivant et dont la colonne vertébrale est notre histoire de vie.
Les mondes traumatiques
Confronté à l’expérience de la violence, de la maltraitance, de l’abus, etc., ce monde relationnel peut se construire sur des bases dysfonctionnelles. Le monde relationnel va se fonder sur une vision systémique symbolique et interactionnelle qui inclut en un tout la triade : victime, agresseur et contexte relationnel. Les dysfonctionnements des liens feront le lit de l’anxiété généralisée, de la dépression ou de son inverse la position de lutte et de combat.
Dans le cas de traumatismes complexes et troubles dissociatifs, nous parlerons donc de monde relationnel traumatique. Notre approche va se fonder sur une vision systémique, symbolique et interactionnelle des mondes traumatiques qui inclut en un tout : la plainte, l’ensemble des souvenirs qui peuvent se condenser en un seul, la cible qui contient le cercle intention, action, effets de l’agresseur et le contexte relationnel dans lequel a lieu l’agression. Le monde traumatique doit être compris comme une entité vivante, porteuse d’une intentionnalité traumatogène à la fois normative, désorganisante et destructive et qui met en oeuvre la disjonction comme base des processus dissociatifs et des doubles liens.
A partir de la répétition du psychotraumatisme et de ses effets dis - sociatifs, se crée donc un monde traumatique sans limite d’espace et de temps. Celui-ci va absorber, aspirer toutes les relations qui en retour vont contribuer à le faire exister. Le monde traumatique peut se transmettre de génération en génération. En absorbant ces relations, le monde trau - matique va conduire la personne vers un système relationnel caractérisé par l’effondrement, l’enfermement et l’errance. Ce système participe à nourrir la monstruosité du monde traumatique.
Le développement précoce
Si nous revenons aux origines du développement humain, pour le foetus l’utérus de sa mère constitue un véritable monde relationnel. L’utérus n’est pas comme on le pensait avant une barrière protectrice à travers laquelle rien ne passe. A titre d’exemple, la chercheuse Rachel Yehuda (2005) a montré comment des femmes enceintes exposées aux attaques du World Trade Center avaient transmis à leurs foetus leurs symptômes de stress post-traumatique. Le foetus réagit aux états de détresse de sa mère par sa propre détresse. Le foetus réagit aux états de détresse chronique par le figement, la contraction ou la dissociation. La détresse physiologique précoce et chronique, base d’une potentielle détresse psychologique plus tard, empêche le développement psycho-affectif futur de manière saine et ainsi crée des symptômes pouvant se manifester précocement ou plus tardivement dans l’histoire de la personne.
En résumé, la construction d’un monde sécure (ou insécure) chez le foetus va être la résultante en termes de synchronisation (ou de désynchronisation) et d’accordage (ou de désaccordage) entre d’une part son vécu interne et les perceptions externe via le milieu liquidien, et d’autre part les effets neurologiques et biologiques hormonaux du vécu de la mère reçus en direct.
Illustration clinique
L’illustration clinique et la modélisation qui en découle ont été réalisées grâce à la participation d’une stagiaire que nous appellerons H. Elle a environ 50 ans et elle décrit son enfance comme difficile.
- F. : formateur
- H. : stagiaire
- I., V. et P. : autres stagiaires participant à la modélisation Nous invitons H. à s’asseoir sur une chaise en position foetale, les yeux cachés par un bandeau pour favoriser son immersion dans cette expérimentation.
Trois autres stagiaires (I., V. et P.) s’installent debout autour de H. Elles se mettent en contact toutes les trois par les mains. Ce premier triangle représente la contenance. Celui-ci symbolise l’enveloppe placentaire. Les trois stagiaires se rapprochent lentement de H. jusqu’à former une enveloppe autour de son corps sans la toucher. Nous leur demandons d’observer chez elles les effets (sensations, images, pensées) dans les interactions avec le corps de H. et entre elles également, jusqu’à trouver la posture la plus ajustée.
- F. : « H., je vais demander à ton corps de se mettre à bouger, faire quelques mouvements, tout en restant assise sur ta chaise. Ton corps peut venir ou non au contact de l’enveloppe (symbolisée par les trois stagiaires).
- H. : C’est ma mère qui vient… C’est bien… » Nous pouvons observer son visage sourire. Elle témoigne à la fois du côté vivant, contenant et apaisant de cet enveloppement. A ce stade, le foetus enregistre les effets du contact avec la paroi placentaire. Le nourrisson déjà avant de naître est immergé dans un bain relationnel avec lequel il interagit. La majorité des informations vont lui être transmises de manière indirecte et filtrées par le bain amniotique, mais aussi de manière directe par la mère tant sur le plan neurophysiologique que comportemental.
Nous allons demander au groupe de stagiaires (assis dans la salle) d’ob - server la modélisation au centre de la salle. Nous allons demander qui du groupe va venir dans la sculpture pour « jouer » une des trois positions :
- Une première position qui illustre le vécu maternel, son histoire, y compris au niveau transgénérationnel.
- Une deuxième position que nous nommons aujourd’hui le collectif intime. Celui-ci permet d’inclure les diverses formes de configuration familiale. Il inclut les ami(e)s intimes, la famille proche, par exemple.
- Une troisième position, le collectif sociétal qui comprend la construction sociale et culturelle. Chacune de ces personnes, l’une après l’autre, va venir mettre ses mains en contact avec le dos de deux des trois personnes symbolisant la paroi placentaire. La première personne qui vient se mettre en contact avec l’enveloppe placentaire est la stagiaire qui représente le collectif intime. Les deux stagiaires qui reçoivent le contact des mains du collectif intime vont témoigner des perturbations que va créer la mise en place de ce lien. Nous observons les bras qui symbolisent l’enveloppe placentaire se distendre.
- En effet, I. (une des trois stagiaires qui représentent la paroi placentaire) va nous dire : «Mon épaule gauche (en lien avec P.) est anesthésiée et mon épaule droite (en lien avec V.) devient lourde. J’ai l’impression que je deviens absente et que je me déconnecte… J’ai l’impression qu’il n’y a pas d’intime… comme si cette mère était seule. »
- H. prend la parole : « Mon père n’était pas là. Il était en France… et ma mère était seule. » Le contact entre les bras se distend. La question centrale devient : comment reconstruire la capacité contenante de l’enveloppe placentaire ?
Nous demandons à H. d’observer quel souvenir d’un moment de con - nexion entre son père et sa mère peut venir là maintenant à son esprit ?
- H. : « Oui… c’est le souvenir d’un moment de regard partagé entre ma mère et mon père. » H. nous dit que cela provoque chez elle un effet d’apaisement dans son corps. I. et V. s’ajustent à nouveau et leurs bras se resserrent et témoignent que c’est mieux pour elles. La deuxième position à venir se mettre en contact avec la paroi est le collectif sociétal.
- F. : « Comment c’est pour toi H. à cet instant ?
- H. : Qui ? Moi ? »
Réponse étrange comme si elle semblait ne pas être présente à ce moment. En même temps des perturbations sous forme de lourdeurs et de tensions apparaissent chez les trois personnes qui « jouent » l’enveloppe placentaire. Celle-ci se rigidifie…
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Psychiatre, pédopsychiatre, psychothérapeute, installé en libéral. Il est le concepteur de la Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR) et du Dessin orienté solution. Directeur et formateur à l’Institut de formation Mimethys. Formateur au DU d’hypnose à la Faculté de médecine de Nantes.
Stéphane ROY
Psychologue, psychothérapeute, docteur en psychologie. Il est aujourd’hui installé en cabinet libéral. Il est formateur et codirige l’Institut Mimethys.
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