Il y a quelques années un psychologue gestaltiste m’affirmait que « toutes les émotions sont positives ». Quotidiennement confronté à la souffrance des patients, j’avais beaucoup de difficulté à accepter ce propos. Comment comprendre qu’une personne en profonde tristesse, régulièrement en larmes, découragée, parfois suicidaire puisse ressentir une émotion positive ? Les émotions ne sont pas provoquées ou contrôlées par le conscient, elles relèvent de nos structures non conscientes. Parfois l’émotion va se manifester par une ou plusieurs sensations que j’appelle sensations-émotions.
Les sensations mécaniques sont perçues lors d’une modification structurelle de nos organes ou tissus non cérébraux.
Les sensations-émotions sont construites dans le cerveau indépendamment de ce qui se passe dans le reste du corps. Quand la lame d’un couteau transperce le corps, la douleur ressentie fait partie des sensations mécaniques. Il peut arriver que, dans une période d’émotion, nous ressentions une sensation de coup de couteau dans le ventre. Il s’agit d’une sensation émotion. Il est possible de ressentir à la fois des émotions et des sensations-émotions. Quand l’émotion n’est pas identifiée, cette sensation de coup de couteau peut être interprétée comme la traduction d’une affection abdominale alors qu’il ne s’agit que d’une sensation-émotion. Ce phénomène se produit en cas d’alexithymie ou incapacitéà identifier les émotions. Les circonstances, l’horaire ou la périodicité de la sensation permettent par l’interrogatoire de mieux la classer comme sensation-émotion ou sensation physique. Il est aussi possible d’avoir, dans le même temps, des sensations-émotions et des sensations physiques. L’interrogatoire, l’examen clinique et les examens complémentaires permettent en général de faire le tri. Il convient de traiter en priorité les sensations mécaniques.
Les émotions désagréables, la peur, la colère et la tristesse sont souvent qualifiées de négatives alors qu’elles ont un potentiel positif.
Beaucoup ont fait l’expérience de se sentir mieux après avoir pleuré "un bon coup". Que ce soit à l’occasion d’un film ou d’un enterrement, les larmes sont souvent suivies d’apaisement. Certains patients plus ou moins conscients de ce bienfait me disent : « si je pouvais pleurer je me sentirai mieux ». Le trac est connu pour ses vertus stimulantes sur la mémoire et la fonction intellectuelle. Une jeune actrice confiait à Sarah Bernhardt qu’avant d’entrer en scène, elle n’éprouvait jamais le trac. Et Sarah Bernhardt de lui répondre : « Ne vous en faites pas, cela vient avec le talent. » Il a été démontré que ceux qui dorment moins bien la veille d’un examen ont de meilleurs résultats. La production d’adrénaline et de cortisone dans cette période stimule les centres de la mémoire.
La colère est souvent plus diabolisée que les deux précédentes, pourtant faites l’expérience de crier votre colère seul dans un endroit isolé. Vous ne vous en sentirez que plus fort. Ceux qui savent accueillir leur colère sans la projeter sur autrui augmentent leur puissance. Les boxeurs utilisent souvent cette colère avant un combat, certainement pas pour être plus faibles ! Les personnes dépressives expriment beaucoup de tristesse car elles la refusent, les personnes violentes sont submergées par la colère qu’elles projètent sur les autres et la crise de panique désorganise toute réflexion et débouche sur un état de souffrance par un mécanisme de peur de la peur.La clé du bien-être ne réside pas dans la nature de l’émotion, mais dans ce que l’on en fait. Quand l’émotion apporte un bénéfice, le sujet est en accueil de celle-ci. Dans beaucoup de situations et pour des raisons culturelles ou éducatives, nous refusons nos émotions. Le refus peut être une rébellion contre cette émotion, une culpabilité de la ressentir ou tout simplement une tentative de l’ignorer. En accueillant nos émotions, nous permettons de développer une véritable harmonie entre notre conscient et nos structures non conscientes. Ces dernières ont des possibilités souvent ignorées.