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Si j'avais su ce que c'était, je n'aurais jamais fait ça: la grande désillusion des jeunes ostéopathes.

Un article très explicite rédigé par Cécile Thibert journaliste au Figaro. En tant que mère d'une fille voulant devenir ostéopathe, il y a vraiment de quoi se poser des questions, surtout sur le versant "machines à cash" des écoles tenues par des fonds de pension !



ENQUÊTE - En un peu plus de dix ans, le nombre d'ostéopathes a été multiplié par cinq en France. Faute de pouvoir en vivre, de plus en plus de jeunes professionnels sont contraints de cesser leur activité. Une concurrence féroce qui pèse également sur la sécurité des patients.

Quand Laura est sortie diplômée d'une école d'ostéopathie en 2016, elle était loin de se douter de ce qui l'attendait. « En trois années d'exercice dans une grande ville française, j'ai dû me verser une fois un SMIC, le reste du temps j'étais toujours en dessous. Ces études ont été une perte d'argent, de temps et d'énergie », regrette-t-elle. De son côté, Guillaume*, la trentaine, s'est accroché pendant deux ans à son cabinet en banlieue d’une métropole, avant de jeter l'éponge. « Pendant cette période, je n'ai tiré aucun revenu, mes parents m'aidaient à vivre. À la fin de ma deuxième année d'exercice, je parvenais seulement à dégager 300 euros de revenus mensuels alors que je me rendais disponible de 6 heures du matin à 21 heures », lâche-t-il, écœuré.

Comme eux, au moins 3 000 ostéopathes désenchantés auraient mis la clé sous la porte ces dernières années faute de pouvoir en vivre, selon Ostéopathes de France, la principale organisation du secteur. Cette réalité, les 31 écoles privées de l'Hexagone se gardent de la mettre en avant, certaines préférant parler des opportunités à saisir dans les zones rurales. Si les enquêtes d'insertion à 18 et 30 mois après l’obtention du diplôme présentent souvent des chiffres d'affaires confortables, les véritables revenus une fois les charges soustraites (40 à 50%) le sont moins.

«Oui, il y a des jeunes qui ne s’en sortent pas», reconnaît Stéphane Niel, ostéopathe, directeur de l’école IDHEO Nantes et président de la Fédération Nationale de l'Enseignement Supérieur en Ostéopathie (FNESO). «C’est comme pour toutes les professions libérales : les bons y arrivent, pas les mauvais», poursuit-il. Mais au-delà des compétences individuelles, une vraie tendance se dégage. En témoigne la diminution des revenus moyens de la profession depuis quelques années. En 2022, la moitié des ostéopathes déclarait même un bénéfice annuel inférieur à 17.500 euros, soit moins d'un SMIC par mois, selon Ostéopathes de France.

La réalité pourrait même être pire, puisque ces chiffres - issus de l'UNASA (Union nationale des associations agrées) - ne tiennent pas compte des ostéopathes ayant choisi le statut de micro-entrepreneurs. Or ces derniers représentent tout de même un quart de la profession et ont les revenus les plus modestes. Comme le souligne un rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) en 2023, les jeunes sont ceux qui ont le plus de mal à s'insérer : « un ostéopathe qui s'installe devra attendre au moins cinq ans d'exercice pour espérer retirer un revenu lui permettant de vivre de son métier ».

Une situation qui s'explique par l'évolution démographique fulgurante de ce secteur. De 5300 ostéopathes exclusifs en 2010, ils seraient désormais 27.000, soit plus de cinq fois plus. Sans compter les quelque 14.000 professionnels de santé (kinésithérapeutes, médecins…) qui possèdent également un diplôme d'ostéopathie. Avec environ 2000 nouveaux diplômés chaque année, « on forme autant d'ostéopathes en cinq ans en France qu'il y en a actuellement dans tout le Royaume-Uni !», réagit Philippe Le Mentec, ostéopathe et membre du conseil d'administration d'Ostéopathes de France. Résultat, l’Hexagone détient, et de très loin, le record mondial du nombre d'ostéopathes par habitant.

Pour faire face à « l'augmentation incontrôlée de la démographie » et aux « difficultés d'insertion professionnelle », l'IGAS préconise dans son rapport de 2023 - comme elle l’avait déjà fait en 2010 - de réguler le nombre de nouveaux professionnels formés. Mais il n'existe toujours pas de quota. «La profession d’ostéopathe n’est pas reconnue comme une profession de santé, l’Etat ne peut donc pas imposer de numerus clausus et les écoles sont libres de s’installer», explique Stéphane Niel, président de la Fédération nationale de l'enseignement supérieur en ostéopathie, qui plaide pour une régulation du nombre d’écoles et de diplômés. Pour rappel, il faut avoir suivi une formation en cinq ans dispensée par l'un de ces établissements privés, agréés par le ministère de la Santé, pour devenir ostéopathe. Mais selon Stéphane Niel, seules une quinzaine d’entre eux seraient réellement sérieux. «D’ailleurs, leurs diplômés s’en sortent bien», assure-t-il.

Fonds d’investissement.

Pour continuer à exister, les écoles doivent renouveler leur agrément tous les quatre ans auprès du ministère de la Santé. La capacité maximale d'accueil autorisée dépend uniquement de critères tels que la superficie des locaux et le nombre d'enseignants. «Pour remplir leurs classes, certaines écoles ne sont pas regardantes sur le niveau de leurs étudiants à l’entrée ou lors du passage d’une année à l’autre, mais elles finissent toute de même par délivrer le diplôme», dénonce Stéphane Niel. Tant pis si certains n’ont pas de boulot à la sortie.

Les écoles – sous statut commercial pour la plupart – ont d’ailleurs plutôt intérêt à remplir leurs promotions. Bercés par la promesse d'un avenir confortable, les étudiants sont prêts à s'endetter pour faire face aux frais de scolarité exorbitants : environ 50.000 euros les cinq années d'étude. « Certaines sont de véritables machines à cash », confirme Laurent Batsch, professeur émérite de finance d'entreprise et auteur d'un rapport récent sur l'enseignement supérieur privé pour le think tank Fondapol. Signe qui ne trompe pas : ces entreprises de formations intéressent désormais des fonds d'investissement. En 2020, le groupe Novétude - qui possède 18 écoles dont 6 écoles d'ostéopathie en France et qui a généré 35 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022 - a ainsi été racheté par le fonds britannique Charterhouse.

Du côté des étudiants, l'engouement pour cette formation s’explique par sa facilité d'accès - moyennant finance, bien sûr. « Cela permet d'intervenir dans le champ de la santé sans avoir à passer la sélection drastique des concours des professions de santé », relève Philippe Le Mentec. Nombre d'inscrits arrivent d'ailleurs dans ces écoles après un échec en première année de médecine. Néanmoins, l'ostéopathie, définie par l’Académie de médecine comme «une méthode empirique de traitement manuel», n'est pas reconnue comme une discipline médicale.

Des dangers pour la santé des patients

À ce titre, la liste des actes que peuvent faire les ostéopathes est étroitement balisée par les autorités sanitaires. Du moins en théorie. « Pour attirer des clients, les jeunes ostéopathes sont amenés à diversifier leurs pratiques, à aller vers des choses plus ou moins mystiques ou à sortir de leur domaine de compétence en prenant la place des kinés », rapporte Arthur Dian, diplômé en ostéopathie, qui se présente comme un lanceur d'alerte sur ce sujet épineux. La concurrence est rude et, pour certains, tous les moyens sont bons pour se démarquer. « Il faut voir le nombre d'ostéopathes sur les réseaux sociaux qui disent qu'ils vont améliorer les troubles de la fertilité ou soulager la migraine. C'est la foire à tout et n'importe quoi ! », renchérit Laura.

Le danger pour les patients est surtout de passer à côté du bon diagnostic. « Un ostéopathe qui ne gagne pas correctement sa vie peut être tenté de multiplier inutilement les séances, mais il peut aussi hésiter à réorienter les patients qui en auraient besoin vers un médecin ou un service d'urgence, par peur de ne pas les revoir par la suite », estime Philippe Le Mentec.

En dépit de ces zones d'ombre, la profession continue de jouir d'une très bonne image auprès de la population. Et ce même si les données scientifiques ne reconnaissent une efficacité à l'ostéopathie que contre les douleurs d'origine vertébrales, et encore, sans supériorité prouvée par rapport aux alternatives plus classiques, selon l'Institut national de la Santé et de la recherche médicale (Inserm). « Notre liberté d'honoraires nous permet de consacrer du temps à nos patients. Ils y sont sensibles et ont le sentiment qu'on s'occupe d'eux », souligne Philippe Le Mentec. L'ostéopathie «profite» aussi du manque de professionnels de santé. « Les gens ont plus de facilité à trouver un rendez-vous chez un ostéopathe que chez le médecin », constate Laura. Ils répondent donc à des besoins insatisfaits.

De plus en plus d'anciens étudiants en ostéopathie critiquent aussi la qualité des enseignements reçus. Laura, qui a enseigné plusieurs années en école d'ostéopathie, se rappelle le cas d'une élève, autorisée à manipuler une patiente souffrant d'ostéoporose alors que «c'est formellement interdit, à moins d'avoir un certificat médical », souligne-t-elle. « On apprenait aussi aux étudiants à palper la rate. Or, sauf maladie, il est impossible de la sentir au toucher. Je ne pouvais plus cautionner ça », confie-t-elle. « Le niveau scientifique est catastrophique, on y enseigne même une certaine défiance vis-à-vis de la science et de la médecine », dénonce Arthur Dian, qui est passé par trois écoles d'ostéopathie différentes. Une séance l’a particulièrement marqué. « On nous a demandé de mettre la main sur le crâne de notre voisin et de sentir ses os, ses fluides bouger ! Je n’y ai pas cru », raconte-t-il. Une situation corroborée par l'IGAS : le cadre légal actuel « ne permet pas de garantir la qualité des diplômes et, in fine, la sécurité des usagers », mettent en garde les inspectrices dans leur rapport.

Les patients qui font le choix de l’ostéopathie doivent être attentifs à plusieurs choses avant d’accorder leur confiance. Par exemple, un ostéopathe qui souhaite effectuer des manipulations du rachis cervical (le cou) n'a pas le droit de le faire, en raison du risque de complications (accident vasculaire cérébral notamment). «Il faut se méfier des personnes qui promettent des résultats formidables ou qui tendent à dénigrer la médecine conventionnelle», estime le Pr Julien Nizard, rhumatologue au CHU de Nantes et responsable du diplôme de médecine manuelle et ostéopathie médicale à la faculté de médecine de Nantes.

Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il n’existe pas de bonnes écoles, ni de bons ostéopathes. «Les futurs étudiants doivent bien se renseigner : est-ce que l’école de leur choix a contractualisé avec l’université locale ? A-t-elle fait les démarches pour enregistrer son diplôme au répertoire national des certifications professionnelles niveau 7, ce qui donne la possibilité aux étudiants de suivre un master à l’université ? Fait-elle contrôler son dossier d’agrément par un organisme indépendant ?», liste Stéphane Niel.

Quoi qu’il en soit, pour les ostéopathes qui se résolvent à changer de voie, le retour à la réalité est rude. La plupart du temps, leurs cinq années d'étude ne donnent droit à aucune équivalence dans le système académique classique. Il faut donc repartir de zéro. « La reconversion est très difficile, on se retrouve piégés et endettés. Si j'avais su ce que c'était, je n'aurais jamais fait ça», regrette Arthur Dian, amer.


Rédigé le 13/04/2024 à 17:16 modifié le 13/04/2024


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Commentaires articles

1.Posté par marc le 13/04/2024 17:21
Mon osteo est cher, agenda toujours chargé. Pourtant il m’a remis plusieurs fois en place des choses qui n’intéressaient pas les médecins. Quand aux kinésithérapeutes ils s’occupent de 3 patients à la fois. Ils vous posent une ceinture chauffante et reviennent juste avant que vous ne brûliez

2.Posté par Emmanuelle B le 13/04/2024 17:23
Ces études sont une escroquerie
Il n’y a aucun débouché car ce n’est pas remboursé par la sécu Belle profession pourtant

3.Posté par Louis le 13/04/2024 18:00
Il suffit de changer "osteopathe" en "hypnothérapeute" et ça donne la même chose !

Mêmes écoles bidons, mêmes machines à Cash !

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