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À partir de quel moment la crise d’adolescence est-elle pathologique? ” C’est une des questions que nous nous posons en permanence. Depuis cinq ans que nous suivons ici des adolescents en difficulté scolaire, avec des troubles du sommeil ou du comportement, nous devons décoder ce qui fait partie de la dynamique adolescente ou ce qui risque au contraire de la bloquer et d’évoluer vers une pathologie. ” Pédopsychiatre, le Dr Claude Berbey est responsable de l’Unité spécialisée pour les adolescents (US-Ados) du Centre psychothérapique de l’Ain (CPA), à Bourg-en-Bresse, service de sept lits qui, par an, accueille une cinquantaine de patients de 15-19 ans et assure 250 consultations. ” Dynamique adolescente ” ou ” travail psychique de l’adolescence ” : il faut se déprendre de son enfance pour devenir adulte. Au risque de troubles du comportement caractéristiques de cet âge , voire, d’un déséquilibre psychique. À l’adolescence, les dépressions sont très problématiques et bien plus silencieuses qu’à l’âge adulte. Elles peuvent entraîner des troubles du sommeil, des difficultés scolaires ou des idées suicidaires, mais aussi un auto-traitement, avec surconsommation d’alcool, de toxiques ou de médicaments. Pour le Pr Olivier Revol, pédopsychiatre à Lyon, ” la dépression touche 7 % des ados. Cette pathologie a connu une évolution séculaire depuis le début du XXe siècle et elle explose depuis vingt ans.” Plus rarement, enfin, l’adolescence voit l’émergence de psychoses (comme la schizophrénie) qui risquent de se développer à l’âge adulte. Elles sont délicates à diagnostiquer parce que certains symptômes se révèlent finalement très passagers. En effet, une des caractéristiques de l’ensemble des troubles adolescents est bien la violence et la rapidité avec laquelle ils surviennent puis disparaissent, portés par une énergie particulièrement marquée à la puberté. ” Ces comportements ont aussi un caractère provisoire, souligne le Pr Daniel Marcelli, pédopsychiatre à Poitiers. L’adolescent ne se fixe pas dans un état, mais évolue d’une humeur à l’autre, sur des phases d’un à deux mois. ” De même, l’adolescent a souvent une approche différenciée dans ses rapports avec les adultes : distant et rebelle avec ses parents, il se révélera charmant et bavard avec ses grands-parents ou un professeur. > Des symptômes multiples et répétés Donc, un comportement à risque, un air maussade ou un coup d’éclat ne sont pas toujours le signe d’une crise profonde. La pathologie n’intervient réellement que lorsque les symptômes se répètent, se cumulent, sur la durée (une période de 3 à 6 mois, ou plus)… ” L’apparente gravité d’un trouble ne correspond pas forcément à la gravité d’un trouble psychique, note le Dr Berbey. Une fugue peut être bénigne. Une tentative de suicide isolée pas systématiquement le signe d’une carence affective ou d’une dépression profonde. Nous serons peut-être plus inquiets d’observer, sur la durée, un adolescent qui s’isole et se replie sur lui-même. ” Le paramètre de la durée est capital pour bien percevoir le risque. Ainsi, pour le cannabis, il est important de distinguer entre la prise festive et ponctuelle, qui participe d’abord de la fanfaronnade, de la consommation solitaire et régulière. La reconnaissance psychiatrique récente de troubles spécifiques à l’adolescence se concrétise aujourd’hui par la multiplication des lieux de prise en charge spécialisés . Auparavant, les moins de 16 ans se retrouvaient, souvent en décalage, dans des services enfants, tandis que les plus âgés devaient, eux, côtoyer des adultes dont la pathologie pouvait, au choix, les repousser ou les fasciner. L’US-Ados de Bourg-en-Bresse accueille sept filles et garçons dans un … … lieu ouvert (contrairement à la plupart des services de l’hôpital), au cadre à la fois détendu et très rigoureux. Les séjours, plutôt courts, durent au minimum trois semaines, entre consultations, moments informels et activités thérapeutiques, avec une forte attention au travail groupal, support capital du soin… Le temps d’établir un diagnostic et de mettre en place un suivi sur le long terme. Quand il est trop déstructuré, le jeune est orienté vers l’un des services fermés (enfants ou adultes) de l’établissement. Mais la plupart du temps, il retourne le plus vite possible dans son environnement familial, scolaire et amical. ” C’est très impressionnant le monde qui gravite autour des ados, remarque Martine Pesenti, cadre infirmier de l’unité, de leurs familles élargies à leurs amis, des moniteurs de sport aux enseignants… ” C’est pourquoi, chez les adolescents, la prise en charge psychiatrique entretient forcément les liens avec des foyers, des juges de la Prévention judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou, bien sûr, l’Éducation nationale… Dans la Vienne, le dispositif, qui fonctionne depuis dix ans sous la responsabilité du Pr Marcelli, cultive justement les partenariats, en particulier avec le monde scolaire. Doté d’un complexe sophistiqué de prise en charge psychiatrique (avec unité de soins somatiques, service de soins psychiatriques, foyer thérapeutique, hôpital de jour, hôpital de jour pour jeunes autistes, consultations…), il intervient dans 60 % des collèges et lycées du département, avec un réseau d’adultes relais qui repèrent sur le terrain les élèves en difficulté et quelque 900 consultations de psychiatrie par an, qui permettent d’estimer qu’entre 5 et 7 % des jeunes rencontrent des difficultés. |
Source : limpatient.wordpress.com
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