L’augmentation de l’espérance de vie apparaît comme une victoire sur la mort. C’est oublier que vieillir en bonne santé est un luxe que ni l’argent ni la puissance et la gloire n’achètent. Ronald Reagan, acteur comblé, président des États-Unis, a été victime de la maladie d’Alzheimer. Comme les 850 000 malades français, il a senti sa mémoire vaciller et son autonomie s’est trouvée peu à peu réduite. Nul doute que s’il avait existé un médicament capable de le guérir, il en aurait été l’un des premiers bénéficiaires.
Affection neuro-dégénérative, la maladie d’Alzheimer évolue en moyenne sur 8 à 12 ans. Elle correspond à l’envahissement progressif du cerveau par une protéine : la bêta-amyloïde, qui, en engluant les neurones, finit par empêcher la communication entre eux. On ne dispose aujourd’hui d’aucun médicament capable d’enrayer le processus. Les traitements utilisés : l’Aricept®, à base de donépézil, l’Exelon®, à base de rivastigmine, le Réminyl® à base de galantamine, ont pour but d’augmenter la concentration d’un neurotransmetteur appelé acétylcholine, qui favorise le passage des informations d’un neurone à un autre. À condition que la voie ne soit pas encombrée par des amas d’amyloïdes.
Des médicaments surestimés
Prescrits pour les Alzheimer débutants, ces traitements prêtent à controverse. « Globalement l’amélioration observée reste plus que modeste, analyse le Pr Jean-Louis Monstratuc du Service de pharmacologie de la faculté de médecine de Toulouse, variant de 1,5 à 3,9 sur une échelle comprenant 70 points. » Son commentaire rejoint les résultats d’une étude britannique menée par des chercheurs de l’Université de Birmingham, publiés dans la revue Lancet en décembre 2006. S’ils améliorent légèrement les tests de cognition des malades, les médicaments ne retardent pas leur entrée en institution, ni la progression de leur handicap.
Ce manque d’efficacité conduit les auteurs de l’étude à s’interroger sur « le bien-fondé de la poursuite du traitement » et de sa prise en charge par les financeurs de soins. Surtout que les effets secondaires ne sont pas rares : nausées, vomissements, diarrhées, pertes de poids, qui ajoutent à l’inconfort des malades. Dans son édition de décembre 2006, la revue Prescrire note l’apparition d’autres conséquences indésirables : tremblements, rigidité, trouble du tonus, trouble dans l’accomplissement des mouvements et impossibilité de rester assis, qui évoquent un syndrome parkinsonien.
En dépit d’un rapport bénéfices-risques qui ne plaide pas vraiment en leur faveur, l’Aricept®, l’Exelon® et le Réminyl® continuent d’être prescrits. Parmi les conseils diffusés en général sur la maladie figurent son dépistage précoce, et son corollaire : la prise de médicaments. Le soutien, par l’industrie pharmaceutique, de la plupart des revues, associations et sites Internet qui abordent la maladie d’Alzheimer, n’est sans doute pas étranger au fait. Aricept® est commercialisé par les laboratoires Eisai-Pfizer, qui soutiennent le site www.alois.fr, et parrainent des journées de gériatrie. Exelon® est un produit des laboratoires Novartis, qui financent la Lettre de la Proximologie de soutien aux malades. Jean-Jacques Schwer, de l’association http://www.assomama.com
s’insurge contre les formations destinées aux généralistes et gériatres parrainées par Novartis (Exelon®) et Janssen-Cilag (Reminyl®) qui semblent considérer que « la réponse principale à cette pathologie est la chimiothérapie, alors que c’est l’accompagnement psychologique qui permet aux personnes de bien vivre avec leur handicap ».
Perspectives d’avenir
Aujourd’hui intraitable, la maladie d’Alzheimer sera-t-elle, un jour, guérissable ? Dès l’an 2000, un vaccin était testé chez l’homme. Prévu pour stopper la formation de plaques de bêta-amyloïde, voire les détruire, l’AN1792 a provoqué une inflammation des méninges chez 18 des 298 patients vaccinés et deux malades en ont conservé des graves séquelles. Ces effets ont provoqué l’arrêt de l’AN1792. Les recherches se poursuivent, essayant les unes d’affiner le fragment de protéine injecté, les autres de proposer l’administration directe d’anticorps. Toutes ces études visent à se débarrasser des plaques d’amyloïdes, considérant que leur accumulation est responsable des troubles cognitifs et de la perte progressive d’autonomie des malades. Néanmoins, il se pourrait que ces plaques ne soient pas la cause de la maladie mais sa conséquence et que leur élimination ne modifie en rien le pronostic des malades.
Plutôt que de s’évertuer à soigner la maladie une fois installée, quelques auteurs préconisent de mieux la prévenir. C’est le rôle de certains nutriments, et l’intérêt de l’évitement de situations à risque, par exemple l’exposition à l’aluminium. Par ailleurs, on sait que plusieurs classes de médicaments induisent des troubles s’apparentant à ceux de la maladie d’Alzheimer (lire encadré ci-contre). À la lumière de ces éléments, il est vital de s’interroger sur la surconsommation médicamenteuse propre aux personnes âgées et ses conséquences.
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