Martine Laval : J'ai envie d'en parler comme d'un virus galopant, un virus malheureusement contagieux, un virus dont les médias adorent parler pour lui donner encore plus d'importance, un virus qui épargne actuellement très peu de personnes dès que l'environnement commence à présenter des soubresauts. Dans toute vie humaine, trois composantes en interactions permanentes sont à prendre en compte. L’environnement, les personnes concernées et la situation ponctuelle dans laquelle elles se trouvent. Et le virus se propage dans les trois. Regardons d‘abord l’environnement.
Aujourd’hui, chacun le sait, l’environnement professionnel pour ne citer que lui est malade, malade du "toujours plus", et d’une course aux résultats quasi-obsessionnelle. L’argent est devenu l’objectif prioritaire absolu. Les bénéfices, lorsqu’ils sont présents, loin de satisfaire les actionnaires et la plupart des dirigeants d’entreprises, réveillent au contraire la soif de nouveaux bénéfices. Et la mondialisation n’améliore rien. La production a lieu de plus en plus fréquemment dans d’autres pays, le coût du travail y étant moins cher. De nouveaux concurrents arrivent sans prévenir. L’avenir devient aléatoire et insécurisant. Beaucoup de licenciements en sont une conséquence directe, voir un prétexte pratique pour encore améliorer la productivité. Alors la peur est en toile de fond.
Sur un plan physiologique, on le sait, quand un être humain a son système immunitaire défaillant, c’est la porte ouverte aux microbes et aux virus de toutes sortes. Aujourd’hui, le système immunitaire de notre environnement de travail est atteint. Ce dernier, devenu lui-même un outil de production au service de la matérialité financière, faisant fi de l’être humain transformé trop souvent en machine, voire en pièces détachées, offre par l’absurdité de sa finalité, un terrain facile à l’entrée d‘un virus de stress négatif, dont les symptômes peuvent dans les cas graves entraîner l’angoisse et le désespoir. Comme nous passons plus de temps sur le lieu de travail que dans notre vie personnelle, la prégnance de cet environnement joue un rôle important dans l’équilibre de chacun, touchant à toutes nos dimensions : physiques, émotionnelles, mentales, énergétiques.
N’est-t-il pas possible d’échapper virtuellement à son environnement ?
C’est difficile, car nous vivons sous la dictature des neurones miroirs de notre cerveau. Ces derniers reproduisent à l’identique et en temps réel, tout ce qui bouge autour de nous, comme si nous effectuions nous-mêmes les actions. Il s’agit là d’un mécanisme de défense partagé avec les grands primates, permettant d’anticiper le comportement de celui d’en face en vivant sa gestuelle de l’intérieur. S’il veut m’attaquer, je me retrouve à l‘attaquer. Et s’il est paisible, je le suis aussi. Par ailleurs, nous sommes des êtres remplis d’émotions, que nous en ayons conscience ou non, et elles sont contagieuses. L’environnement professionnel en est chargé de fait. Tous les audits que j’effectue en entreprise reflètent les ambiances particulières des lieux de travail, ambiances légères ou lourdes, selon. Ainsi s‘imprime dans notre cerveau, en permanence, tout ce qui se passe autour de nous. Nul n’échappe à son environnement.
Si, dans un environnement déjà malsain, les circonstances − ce qui se passe a` un moment précis en un lieu précis − déclenchent des événements redoutés ou d’autres inattendus, mais à connotation négative, nous devenons alors vraiment en danger de stress. Quelle est alors, lors de circonstances pénibles, la responsabilité de l’être humain déjà immergé dans un environnement nocif ? Vivra-t-il en personne soumise, victime par essence, ou au contraire cherchera-t-il à être entrepreneur de lui-même, mobilisé pour rester stable et serein dans la tempête ?
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