
Jeanne est psychologue. Elle a autour de la trentaine. Elle est installée dans le sud de la France. Sa mère réside dans l’Ouest. Elle a perdu son père il y a un peu plus de trois ans. Et c’est à cette période qu’elle a fait la rencontre d’un jeune homme de son âge.
Ensemble, au bout de quelques mois de relation, ils sont partis pour une année d’expatriation, à l’autre bout de la Terre. Au bout d’un an, finalement relativement vite, elle s’est rendu compte que celui-ci mentait. Seule à l’autre bout de la Terre, loin de sa famille et de ses amis, marquée par le décès récent de son père, elle n’écoute pas son intuition, ne se fie pas à ses ressentis et décide de rester avec cet homme.
Elle ne respecte pas ses valeurs : honnêteté, respect de l’autre... elle ne se respecte pas elle-même. Ils reviennent en France, et les choses vont de mal en pis et il continue de mentir. Elle se rend compte qu’il a deux faces : il peut être drôle, plein d’humour, charmant, démonstratif et amoureux, nous confie-t-elle... et cependant il ment sur tout : nourriture, travail, sport... Il ment et cache des choses sur tout et sur rien. Il consulte des sites pornos. Elle se rend compte que cette relation est impossible. Elle décide d’y mettre fin.
Cependant, elle est dans une spirale négative, elle a cette impression d’être déprimée, dépressive, et étant donné sa qualité de psychologue, elle a des doutes sur le diagnostic d’un trouble bipolaire. En effet, dans sa famille il y a des personnes atteintes de cette pathologie. Son propre père souffrait d’une dépression sévère. C’est dans ce contexte que je rencontre Jeanne pour la première fois. Jeanne et son compagnon étaient ensemble depuis trois ans. C’est son médecin généraliste qui lui a recommandé de me contacter. Elle a arrêté de travailler. Elle me dit : « Je n’arrive pas à consulter de psychiatre pour valider ou invalider cet autodiagnostic. »
Elle est envahie par ses peurs, peur de ne pas avoir fait le bon choix en le quittant, elle se trouve moins bien depuis qu’elle a pris cette décision et qu’elle est partie se reposer chez sa mère en Bretagne. Peur de ne pas y arriver, peur de sa santé mentale. Je la ramène dans ses zones de certitudes et de sécurité, là où elle peut être en contact avec ses ressources. Elle est entourée, aimée, a des amis. Elle est brillante et ses patients lui font confiance. Elle a des activités de loisirs dans lesquelles elle prend du plaisir. Cependant, envahie par ses peurs, dissociée par des pensées d’anticipation et ruminant les quelques bons moments passés avec son compagnon, elle nourrit et alimente son anxiété. Elle entre dans les détails et ne parvient pas à mettre de l’ordre dans ce qui lui est arrivé. Elle est perdue. Au sens propre comme au sens figuré du terme. Perdue dans ses pensées, perdue dans ses représentations, perdue dans ses relations avec les autres...
Comme elle se trouve très mal suite à cette séparation, elle se demande s’il ne faut pas qu’elle reprenne sa relation avec lui. Alors même qu’elle est capable de me dire qu’elle vit l’enfer, qu’elle ne peut pas lui faire confiance, qu’elle a la sensation de ne pas être avec la bonne personne... Elle ne sait plus à qui se fier. Je travaille avec elle sur ce qui lui donne de l’estime d’ellemême, elle me dit : « mon métier ». Je lui propose alors de reprendre tranquillement une partie de ses activités professionnelles, de renouer avec ses amis, de sortir de chez sa mère pour se promener.
Elle se sent vacillante et emplie de vertiges. A un moment de notre échange, elle me confie avoir peur de tomber dans un abîme. Je lui demande ce qu’elle sent dans son corps. Elle me dit qu’elle sent cette chute et ce vertige. Je lui propose alors de ne pas avoir peur et de se laisser tomber dans cet abîme, de sentir la chute de son corps et ce vertige. En hypnose, je l’accompagne dans cette chute qui semble être sans fin durant de longues minutes... Elle chute, je lui demande ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent, ce qu’elle entend... Elle se sent enfermée dans des parois avec cette sensation dans son corps, elle me répond souvent en formulant des pensées et je la ramène à ses sensations dans son corps. Au terme de longues minutes de chute, elle dit arriver dans un endroit où elle est entourée de cadavres, de squelettes.
Je ne fais aucune interprétation, elle en fait déjà trop par elle-même, car elle se fie davantage à ses pensées anxieuses qu’à ses ressentis. Elle voit des arbres nus, c’est un paysage angoissant. Elle se sent oppressée, je lui demande de rester dans cette oppression, dans cette angoisse, et de me dire où se situent oppression et angoisse dans son corps. Elle me décrit des sensations qui évoluent, qui bougent. Tant qu’elle sent enfin que ça bouge et évolue dans son corps, elle sent la vie, c’est-à-dire la possibilité de l’évolution, de mouvements. Autant elle a peur de rester dans cet immobilisme, autant je suis confiante dans ses capacités de ressentir la vie, que ça bouge en elle.
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Ensemble, au bout de quelques mois de relation, ils sont partis pour une année d’expatriation, à l’autre bout de la Terre. Au bout d’un an, finalement relativement vite, elle s’est rendu compte que celui-ci mentait. Seule à l’autre bout de la Terre, loin de sa famille et de ses amis, marquée par le décès récent de son père, elle n’écoute pas son intuition, ne se fie pas à ses ressentis et décide de rester avec cet homme.
Elle ne respecte pas ses valeurs : honnêteté, respect de l’autre... elle ne se respecte pas elle-même. Ils reviennent en France, et les choses vont de mal en pis et il continue de mentir. Elle se rend compte qu’il a deux faces : il peut être drôle, plein d’humour, charmant, démonstratif et amoureux, nous confie-t-elle... et cependant il ment sur tout : nourriture, travail, sport... Il ment et cache des choses sur tout et sur rien. Il consulte des sites pornos. Elle se rend compte que cette relation est impossible. Elle décide d’y mettre fin.
Cependant, elle est dans une spirale négative, elle a cette impression d’être déprimée, dépressive, et étant donné sa qualité de psychologue, elle a des doutes sur le diagnostic d’un trouble bipolaire. En effet, dans sa famille il y a des personnes atteintes de cette pathologie. Son propre père souffrait d’une dépression sévère. C’est dans ce contexte que je rencontre Jeanne pour la première fois. Jeanne et son compagnon étaient ensemble depuis trois ans. C’est son médecin généraliste qui lui a recommandé de me contacter. Elle a arrêté de travailler. Elle me dit : « Je n’arrive pas à consulter de psychiatre pour valider ou invalider cet autodiagnostic. »
Elle est envahie par ses peurs, peur de ne pas avoir fait le bon choix en le quittant, elle se trouve moins bien depuis qu’elle a pris cette décision et qu’elle est partie se reposer chez sa mère en Bretagne. Peur de ne pas y arriver, peur de sa santé mentale. Je la ramène dans ses zones de certitudes et de sécurité, là où elle peut être en contact avec ses ressources. Elle est entourée, aimée, a des amis. Elle est brillante et ses patients lui font confiance. Elle a des activités de loisirs dans lesquelles elle prend du plaisir. Cependant, envahie par ses peurs, dissociée par des pensées d’anticipation et ruminant les quelques bons moments passés avec son compagnon, elle nourrit et alimente son anxiété. Elle entre dans les détails et ne parvient pas à mettre de l’ordre dans ce qui lui est arrivé. Elle est perdue. Au sens propre comme au sens figuré du terme. Perdue dans ses pensées, perdue dans ses représentations, perdue dans ses relations avec les autres...
Comme elle se trouve très mal suite à cette séparation, elle se demande s’il ne faut pas qu’elle reprenne sa relation avec lui. Alors même qu’elle est capable de me dire qu’elle vit l’enfer, qu’elle ne peut pas lui faire confiance, qu’elle a la sensation de ne pas être avec la bonne personne... Elle ne sait plus à qui se fier. Je travaille avec elle sur ce qui lui donne de l’estime d’ellemême, elle me dit : « mon métier ». Je lui propose alors de reprendre tranquillement une partie de ses activités professionnelles, de renouer avec ses amis, de sortir de chez sa mère pour se promener.
Elle se sent vacillante et emplie de vertiges. A un moment de notre échange, elle me confie avoir peur de tomber dans un abîme. Je lui demande ce qu’elle sent dans son corps. Elle me dit qu’elle sent cette chute et ce vertige. Je lui propose alors de ne pas avoir peur et de se laisser tomber dans cet abîme, de sentir la chute de son corps et ce vertige. En hypnose, je l’accompagne dans cette chute qui semble être sans fin durant de longues minutes... Elle chute, je lui demande ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent, ce qu’elle entend... Elle se sent enfermée dans des parois avec cette sensation dans son corps, elle me répond souvent en formulant des pensées et je la ramène à ses sensations dans son corps. Au terme de longues minutes de chute, elle dit arriver dans un endroit où elle est entourée de cadavres, de squelettes.
Je ne fais aucune interprétation, elle en fait déjà trop par elle-même, car elle se fie davantage à ses pensées anxieuses qu’à ses ressentis. Elle voit des arbres nus, c’est un paysage angoissant. Elle se sent oppressée, je lui demande de rester dans cette oppression, dans cette angoisse, et de me dire où se situent oppression et angoisse dans son corps. Elle me décrit des sensations qui évoluent, qui bougent. Tant qu’elle sent enfin que ça bouge et évolue dans son corps, elle sent la vie, c’est-à-dire la possibilité de l’évolution, de mouvements. Autant elle a peur de rester dans cet immobilisme, autant je suis confiante dans ses capacités de ressentir la vie, que ça bouge en elle.
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Sophie COHEN
Psychologue, pratique l’hypnose depuis plus de vingt ans. Intervient dans de nombreux instituts ou diplômes universitaires en France et à l’étranger. Directrice de l’iconographie de la revue « Hypnose & Thérapies brèves » et autrice pour les rubriques « Livres en bouche » et « Bonjour et après ».
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N°76 : Fév. / Mars / Avril 2025
Effet placebo, dialogue stratégique.
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°76 :
. Dominique Megglé est parti quelques jours en mission avec MacGyver pour trouver le secret de la thérapie réussie. Cet article concerne tous les bricoleurs avisés, adeptes du couteau suisse de la relation humaine. Dominique est revenu de sa mission avec une grande découverte : le placebo. Comment faire pour retrouver cette piste ? Il nous suggère d’accepter d’être « démuni, pauvre, à sec, sans idée », pour pouvoir bricoler « comme un cheval adroit ou un chien de chasse rusé ». La technique pour la technique, voilà le piège.
. Thierry Piccoli nous décrit l’importance du dialogue stratégique pour rejoindre l’autre dans son monde de peur et préparer l’engagement dans la tâche thérapeutique afin de bloquer les tentatives de solution. A travers la situation de Corinne, prisonnière d’attaques de panique, il nous montre avec précision comment ce dialogue recadre la situation en permettant une expérience émotionnelle correctrice.
. Nous faire découvrir Milton Erickson comme un patient est le challenge que nous offre Blandine Rossi-Bouchet. Cet article original nous amène à percevoir Milton Erickson du côté de ses symptômes (séquelles de dyslexie, aphasie, dysarthrie, douleurs récurrentes), et à découvrir comment ces épreuves l’ont conduit à développer sa créativité et sa résilience.
Vous lirez dans l’« Espace Douleur Douceur » l’introduction de Gérard Ostermann qui nous présente trois articles : celui de Marc Galy nous montre, avec la situation d’une jeune femme présentant un cancer du sein, comment remettre en mouvement les processus d’anticipation à partir de la présence partagée. Rachel Rey aborde l’intérêt de l’hypnose en préopératoire chez les enfants atteints de scoliose. Maud-Roxane Delatte nous offre une belle expérience concernant l’hypnose et la rééducation de la main en post-opératoire.
. Le dossier thématique est centré sur la gériatrie. Sophie Richet-Jacob nous présente trois cas cliniques concernant le traitement du trauma chez le sujet âgé : deux sont en lien avec la guerre, le troisième cas est en lien avec des violences conjugales et tentative d’assassinat. Elle évoque la méthode de l’Haptic Gamma Embodiement (HGE) pour préparer le travail sur les mouvements alternatifs et les changements de scénarios, avec utilisation éventuelle de Playmobils.
. Marie Floccia et Geneviève Perennou nous montrent l’importance de l’hypnose pour accompagner les personnes atteintes de troubles neurocognitifs et leurs aidants. Elles illustrent leur propos avec le cas de Madame Jeanne, 84 ans. Cet article montre les spécificités de la transe chez les personnes âgées et l’importance de retrouver l’estime de soi à travers des expériences de fierté.
. Serge Sirvain et Guillaume Belouriez utilisent l’hypnose dans une lecture systémique pour améliorer la qualité de vie des patients en soins palliatifs. Avec deux situations cliniques, les auteurs illustrent l’intérêt de ce lien épistémologique pour pouvoir répondre de manière éthique à ces situations complexes.
Les rubriques :
Enfin, vous retrouvrerez vos rubriques préférées de Stefano Colombo et Muhuc sur le temps qui passe, de Sophie Cohen sur la peur de tomber dans l’abîme, d’Adrian Chaboche sur le mouvement pour retrouver la vie, et de Sylvie Le Pelletier-Beaufond qui nous emmène au Mali pour découvrir le kotéba, thérapie inspirée du théâtre traditionnel.
Crédit photo: Caroline Berthet
Effet placebo, dialogue stratégique.
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°76 :
. Dominique Megglé est parti quelques jours en mission avec MacGyver pour trouver le secret de la thérapie réussie. Cet article concerne tous les bricoleurs avisés, adeptes du couteau suisse de la relation humaine. Dominique est revenu de sa mission avec une grande découverte : le placebo. Comment faire pour retrouver cette piste ? Il nous suggère d’accepter d’être « démuni, pauvre, à sec, sans idée », pour pouvoir bricoler « comme un cheval adroit ou un chien de chasse rusé ». La technique pour la technique, voilà le piège.
. Thierry Piccoli nous décrit l’importance du dialogue stratégique pour rejoindre l’autre dans son monde de peur et préparer l’engagement dans la tâche thérapeutique afin de bloquer les tentatives de solution. A travers la situation de Corinne, prisonnière d’attaques de panique, il nous montre avec précision comment ce dialogue recadre la situation en permettant une expérience émotionnelle correctrice.
. Nous faire découvrir Milton Erickson comme un patient est le challenge que nous offre Blandine Rossi-Bouchet. Cet article original nous amène à percevoir Milton Erickson du côté de ses symptômes (séquelles de dyslexie, aphasie, dysarthrie, douleurs récurrentes), et à découvrir comment ces épreuves l’ont conduit à développer sa créativité et sa résilience.
Vous lirez dans l’« Espace Douleur Douceur » l’introduction de Gérard Ostermann qui nous présente trois articles : celui de Marc Galy nous montre, avec la situation d’une jeune femme présentant un cancer du sein, comment remettre en mouvement les processus d’anticipation à partir de la présence partagée. Rachel Rey aborde l’intérêt de l’hypnose en préopératoire chez les enfants atteints de scoliose. Maud-Roxane Delatte nous offre une belle expérience concernant l’hypnose et la rééducation de la main en post-opératoire.
. Le dossier thématique est centré sur la gériatrie. Sophie Richet-Jacob nous présente trois cas cliniques concernant le traitement du trauma chez le sujet âgé : deux sont en lien avec la guerre, le troisième cas est en lien avec des violences conjugales et tentative d’assassinat. Elle évoque la méthode de l’Haptic Gamma Embodiement (HGE) pour préparer le travail sur les mouvements alternatifs et les changements de scénarios, avec utilisation éventuelle de Playmobils.
. Marie Floccia et Geneviève Perennou nous montrent l’importance de l’hypnose pour accompagner les personnes atteintes de troubles neurocognitifs et leurs aidants. Elles illustrent leur propos avec le cas de Madame Jeanne, 84 ans. Cet article montre les spécificités de la transe chez les personnes âgées et l’importance de retrouver l’estime de soi à travers des expériences de fierté.
. Serge Sirvain et Guillaume Belouriez utilisent l’hypnose dans une lecture systémique pour améliorer la qualité de vie des patients en soins palliatifs. Avec deux situations cliniques, les auteurs illustrent l’intérêt de ce lien épistémologique pour pouvoir répondre de manière éthique à ces situations complexes.
Les rubriques :
Enfin, vous retrouvrerez vos rubriques préférées de Stefano Colombo et Muhuc sur le temps qui passe, de Sophie Cohen sur la peur de tomber dans l’abîme, d’Adrian Chaboche sur le mouvement pour retrouver la vie, et de Sylvie Le Pelletier-Beaufond qui nous emmène au Mali pour découvrir le kotéba, thérapie inspirée du théâtre traditionnel.
Crédit photo: Caroline Berthet
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