Métaux lourds : réalités et escroqueries

Le terme de métal lourd a longtemps été mal défini, certains ont voulu le remplacer par élément trace métallique. En 2000, l’Europe a proposé une définition pour établir un cadre juridique en particulier pour la gestion des substances toxiques : « par "métal lourd", on entend tout composé d'antimoine, d'arsenic, de cadmium, de chrome (VI pour hexavalent), de cuivre, de plomb, de mercure, de nickel, de sélénium, de tellure, de thallium et d'étain ainsi que ces matériaux sous forme métallique, pour autant qu'ils soient classés comme substances dangereuses ».

Dans les substances énoncées, on peut distinguer deux groupes de substances : celles ayant un rôle physiologique dont la teneur dans l’environnement et l’alimentation ne doit pas dépasser un certain seuil au risque d’être toxique et celles n’ayant pas de rôle physiologique (plomb, mercure, cadmium). Pour ces dernières, personne ne discute la toxicité à dose élevée, par contre il persiste un débat pour les faibles doses. Doit-on atteindre l’objectif zéro ou peut-on tolérer de faibles quantités ?

L’arsenic serait utile pour une réaction enzymatique de l’organisme, on peut donc lui donner un rôle physiologique. Comme il est beaucoup plus souvent en excès et toxique, il est regroupé avec les trois métaux lourds non physiologiques.

Les cinq métaux les plus en accusation pour leur toxicité et leur présence trop importante dans notre environnement sont le mercure, le plomb, l’arsenic, le cadmiumet le chrome(Vi). Le mercure est impliqué dans le développement de maladies neurologiques et rénales. Il peut bloquer le fonctionnement de nombreuses enzymes. Les principales sources sont les amalgames dentaires et les poissons de mer. Le thiomerosal, une forme particulièrement neurotoxique est présent dans les vaccins contre l’hépatite B.

Le plomb en fort excès provoque le saturnisme. Il peut favoriser des mutations à l’origine de cancers ou de malformations. Il peut aussi provoquer hypertension, maladies neurologiques, stérilité et des paralysies. On le trouve dans certaines vieilles peintures, l’eau si elle a été canalisée par des tuyauteries en plomb, certaines toitures et décorations et dans l’air (surtout avant les pots catalytiques et l’essence sans plomb). Des végétaux, comme le blé, qui se développent sur un sol contaminé ou à proximité d’une autoroute peuvent véhiculer du plomb ! Le raisin concentre facilement le plomb si le sol en est riche. Certains vins ont été accusés de favoriser des intoxications. Dans certains pays en voie de développement le plomb est présent dans des bijoux offerts aux enfants. Il reste peu de temps dans le sang, il est rapidement stocké dans les os. Quand l’os accélère son remodelage (alitement prolongé, grossesse,
ménopause) le plomb peut être libéré en quantité toxique.

L’arsenic est considéré comme cancérigène et favorisant les maladies cardiovasculaires. Certains riz et cafés en contiennent de forte quantité, car l’arsenic a longtemps été inclus dans des pesticides qui ont imprégné le sol pour plusieurs années. L’analyse aux Etats-Unis de jus de pommes ou de poulets montre
aussi une forte concentration en arsenic (pas dans tous heureusement). Il semble en effet que l’arsenic accélère la croissance des poulets !

Le cadmiumest aussi impliqué dans les maladies cardiovasculaires et le cancer. Il peut être présent dans l’air en raison de pollution industrielle. Le tabagisme est une source importante d’ingestion de cadmium. En Chine, le riz est particulièrement riche en cadmium en raison de la pollution industrielle mal
contrôlée.

Le chrome trivalent est un catalyseur biologique indispensableà la santé. Le chrome hexavalent provoque des maladies digestives, hépatiques , rénales, des ulcères cutanés et des cancers du poumon. Il peut être retrouvé dans l’eau de source en fonction de la pollution des sols, mais aussi dans la fumée de
cigarette. Le film Erin Brockovich, seule contre tous retrace l’histoire d’une intoxication au chrome VI dans un petit village californien. La toxicité de tous ces métaux est bien supérieure chez le foetus, ils favorisent les mutations génétiques.

Comme ces métaux sont ou ont été présents à un moment ou un autre de notre histoire, nous sommes en droit de nous interroger sur leur impact sur notre santé. Des normes européennes ou internationales se mettent progressivement en place, mais des sols sont pollués pour de nombreuses années. Les personnes fumant encore des cigarettes ou des cigares sont particulièrement exposées car une faible dose, considérée comme inoffensive, d’un métal lourd peut devenir dangereuse en cas de combinaison avec d’autres métaux lourds.

Le sujet des métaux lourds est un sujet passionnel. De nombreux articles ou publicités sont établis sur de simples croyances. Nous manquons de données scientifiques pour beaucoup de tests. Les recherches sont effectivement difficiles car l’idéal serait d’intoxiquer un certain nombre d’individus pour évaluer les effets, les tests de mesure et les conséquences pour la santé. La plupart des données sont issues d’intoxications accidentelles et donc de résultats a postériori dont la transposition à la pratique quotidienne est sujette à caution. il me semble que le patient ou le thérapeute doivent se poser au moins trois questions :

1/ Suis-je, ou le patient est-il, porteur de métaux lourds ?

2/ Ces métaux sont-ils présents en quantité excessive pour la santé ?

3/ Ces métaux sont-ils à l’origine de perturbation de l’état de santé actuel ou d’une maladie en évolution ?